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Emissions de Radio & Thématiques 5

Inspiration et Réflexion

 

 

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- Pour écouter l'émission de radio  Planète Féministe, vous pouvez cliquer sur le lien ci-dessous ou aller sur la page "Ecouter l'émission" de ce site

https://audioblog.arteradio.com/blog/182081/emission-de-radio-planete-feministe#

 

 

 

        SOMMAIRE

 

      1- La Préhistoire

      2- L'Art

      3- La Littérature

      4- Les Femmes dans la Franc-Maçonnerie

      5- L'Anorexie

      6- Le Travail

      7- La Sollicitude

      8- Les Femmes Ingénieures

      9- La Culture

     10- Virginia Woolf

 

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La Préhistoire 

 

 

ROUCH Hélène, Professeure agrégée de biologie, membre du CEDREF et de l’ANEF, directrice de la collection “Bibliothèque du féminisme”chez L’Harmattan.

Sexe et genre. De la hiérarchie entre les sexes, coordonné par Marie-Claude Hurtig, Michèle Kail et Hélène Rouch, éditions CNRS , 2002.

Émission réalisée le 29 avril 2003

 

COHEN Claudine, Historienne des sciences, spécialiste de l’histoire de la paléontologie et des représentations de la préhistoire, maîtresse de conférences à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales.

La femme des origines. Images de la femme dans la préhistoire occidentale, Belin-Herscher, 2003.

Émission réalisée le 06 janvier 2004

 

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                             Aaagoyet

 

Grottes de Goyet en Belgique  (environ 300 millions d'années)

 

 

 

    

 

 

 

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L'Art

 

 

BONNET Marie-Jo, Docteure en histoire et spécialiste d’histoire culturelle.

Les Deux Amies, Essai sur le couple de femmes dans l’art, éditions Blanche, 2000.

Émission réalisée le 21 novembre 2000

 

KRAKOVITCH Odile, Conservateure générale aux Archives nationales, docteure ès lettre.

L’Exclusion des femmes. Masculinité et politique dans la culture au XXe siècle, sous la direction d’Odile Krakovitch et Geneviève Sellier, éditions Complexe 2001.

Émission réalisée le 15 mai 2001

 

PERROT Michelle, Professeure émérite d’histoire contemporaine à l’université Paris 7-Denis Diderot.

Histoire des femmes en Occident (5 tomes), Perrin-tempus, 2002.

Émission réalisée le 21 octobre 2003

 

FERRAND Michèle, Sociologue au laboratoire Cultures et sociétés urbaines du CNRS et associée à l’unité Démographie, genre et sociétés de l’INED.

Féminin, masculin, La Découverte, 2004.

Émission réalisée le 07 septembre 2004

 

VIENNOT Éliane, Professeure de littérature de la Renaissance à l’Université de Saint-Étienne et membre de l’Institut universitaire de France, et SELLIER Geneviève, Professeure en études cinématographiques à l’université de Caen.

Culture d’élite, culture de masse et différence des sexes, sous la direction de Geneviève Sellier et Éliane Viennot, L’Harmattan, 2004.

Émission réalisée le 19 avril 2005

 

VIGARELLO Georges, Professeur à l’université de Paris-V et directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales.

Histoire de la beauté. Le corps et l’art d’embellir. De la renaissance à nos jours, Seuil, 2004.

Émission réalisée le 24 mai 2005

 

Jun8

 

 

 

   

 

 

 

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              Jun13

 

 

 

    

 

 

 

La Littérature

 

 

CHAREST Danielle, Ecrivaine et romancière.

Les rapports sociaux de sexe dans les romans policiers. Mémoire de maîtrise de l’E.H.E.S.S, 1997.

Émission réalisée le 30 décembre 1997

 

HEINICH Nathalie, Sociologue au CNRS.

États de femme, l’identité féminine dans la fiction occidentale, Gallimard, 1996.

Émission réalisée le 06 avril 1999

 

RETIF Françoise, Maître de conférence à l’université de Franche Comté à Besançon, spécialiste des littératures féminines francophones et germanophones au XXième siècle.

Simone de Beauvoir, l’autre en miroir, L’Harmattan, 1998.

Émission réalisée le 29 juin 1999

 

WITTIG Monique, Poète, écrivaine, essayiste et professeure de littérature à l’université d’Arizona.

Les guérillères, Minuit, 1969.

Le corps lesbien, Minuit, 1973.

Virgile, non, Minuit, 1985.

Paris-la-politique et autres histoires, P.O.L, 1999.

Émission réalisée le 27 juillet 1999 et diffusée le 07 septembre 1999

 

HOUEL Annik, Professeure à l’institut de psychologie de l’université Lumière Lyon 2.

L’adultère au féminin et son roman, Armand Colin (Renouveaux en psychanalyse), Paris, 1999.

Émission réalisée le 19 septembre 2000

 

TABACHNIK Maud, Auteure, romancière.

Douze Heures pour mourir, roman, Albin Michel, 2004.

Émission réalisée le 15 juin 2004

 

CONTE-STIRLING Graciela, Docteure ès Lettres de l’université de Toulouse, a enseigné en Argentine, en France, au Canada et en Angleterre.

Colette ou la Force Indestructible de la Femme, L’Harmattan, 2002.

Émission réalisée le 22 juin 2004

 

GRELLET Isabelle, Professeure de lettres et auteure, KRUSE Caroline, Professeure de lettres et auteure.

Des jeunes filles exemplaires. Dolto, Zaza, Beauvoir, Hachette Littératures, 2004.

Émission réalisée le 23 novembre 2004

 

SAVIGNEAU Josyane , Journaliste au Monde.

Marguerite Yourcenar. L’invention d’une vie, Gallimard, 1990.

Émission réalisée le 18 janvier 2005

 

PERROT Michelle, Professeure émérite d’histoire contemporaine à l’université Paris 7-Denis Diderot.

George Sand. Politique et polémiques, Belin, 2004.

Émission réalisée le 17 mai 2005

 

HOFFMANN Yasmin, Professeure de littérature allemande contemporaine à l’université d’Orléans.

Elfriede Jelinek. Une biographie, Jacqueline Chambon, 2005.

Émission réalisée le 07 février 2006

 

CHAFIQ Chahla, Sociologue, écrivaine et formatrice dans le champ de la lutte contre les discriminations et dans le domaine de la diversité culturelle en France.

Chemins et brouillard, Metropolis, 2005.

Émission réalisée le 28 février 2006

 

MEURET Isabelle, Auteure et enseigne l’anglais à l’université libre de Bruxelles.

L’anorexie créatrice, Klincksieck, 2006.

Entretien réalisé le 31 mai 2006

 

BRISAC Geneviève, Écrivaine, DESARTHE Agnès, Écrivaine et traductrice.

V.W. Le mélange des genres, éditions de l’Olivier/Le Seuil, 2004.

Entretien réalisé le 12 juin 2006

 

 

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Les Femmes dans la Franc-Maçonnerie

 

 

VIENNOT Éliane, Professeure de littérature à l’université de Nantes.

La démocratie “à la française” ou les femmes indésirables, sous la direction de E.Viennot, Publications de l’université Paris 7-Denis Diderot, 1996.

Émission réalisée le 16 novembre 1999

 

AUREJAC Cécile, Historienne et coordinatrice d’un écomusée dans la région du Massif-Central.

Les femmes dans la franc-maçonnerie, préface de Marie-France Picart ( Grande Maîtresse de la Grande Loge Féminine de France), L’HYDRE éditions, 2003.

Émission réalisée le 27 avril 2004

 

 

     Aseine1

 

Une explication a longtemps prévalu pour expliquer la rareté des femmes dans des lieux de pouvoir, politiques notamment : celle du retard...

Or, cinquante ans après l'instauration du suffrage universel, les femmes sont proportionnellement moins nombreuses à l'Assemblée nationale qu'elles ne l'étaient en 1946. Leur rareté dans les lieux de pouvoir peut désormais être analysée comme le résultat d'une exclusion.

 

Un épisode de l'histoire de cet ostracisme retiendra ici notre attention : celui qui a empêché les femmes, à la fin du 19e siècle, d'entrer dans la franc-maçonnerie, parce que les hommes ne voulaient pas qu'elles en soient. La République et la maçonnerie entretiennent en effet des liens étroits, et cela dès avant la proclamation de la République le 4 septembre 1870. Comme les républicains, les maçons ont travaillé à imposer la République comme un régime politique mais aussi comme une idée.

Françoise Gaspard, Franc-Maçonnerie, République et exclusion des femmes, in La démocratie « à la française » ou les femmes indésirables

 

     

 

Qu'il y ait eu parmi les maçons des tenants des droits des femmes n'a rien d'étonnant puisque la maçonnerie se définit comme progressiste. Qu'ils aient dû provoquer une scission au sein de la principale obédience maçonnique française pour y faire admettre des femmes, et qu'ils aient été très peu nombreux à défendre la mixité est cependant étonnant, et bien révélateur de ce que fut l'esprit républicain : la première République avait interdit les femmes de citoyenneté, l'Empire avait fait d'elles des mineures civiles, la seconde République avait traité par la dérision les revendications féministes. La République, troisième du nom, s'inscrit dans cette ligne et demeure masculine.

 

Le débat qui a eu lieu au début des années 1880 à propos de l'initiation de Maria Deraisme concentre les arguments de deux camps : celui, très minoritaire, des partisans de l'admission des femmes, qui sont aussi ceux de l'égalité civile et politique des deux sexes, et celui, très majoritaire, du front du refus. Pour ce dernier, l'initiation de femmes est encore plus impensable que l'accès à l'égalité des droits politiques.

 

Ce débat ne peut être compris si l'on prend 1789 comme le « début de l'histoire », et la revendication de la mixité en maçonnerie comme une invention de la modernité. Les maçons qui ouvrent aux femmes les portes des temples n'opèrent pas, en effet, une rupture d'avec la tradition. Ils renouent plutôt, dans un contexte social nouveau, avec une pratique que l'Ancien Régime avait connue.

 

Françoise Gaspard, Franc-Maçonnerie, République et exclusion des femmes, in La démocratie « à la française » ou les femmes indésirables

 

            Aseine0

 

Le sociologue Georg Simmel, qui pense la question des relations entre les femmes et les hommes, s'interroge, dans le texte Secret et sociétés secrètes, sur le fonctionnement des mécanismes d'exclusion... Il nous conduit à penser qu'il existe une filiation entre la constitution de sociétés secrètes (masculines) et la République confisquée par les hommes...

Or il y a eu des femmes maçonnes au 18e siècle ainsi que des loges de femmes, au moins jusqu'à 1789...

 

Sous la Révolution, les loges connurent un déclin : leur caractère aristocratique les avait rendues suspectes. Lorsqu'elles renaquirent, sous le Directoire, les femmes en avaient presque disparu. En dépit de la tentative de l'impératrice Joséphine de faire revivre une maçonnerie d'adoption, celle-ci cessa d'exister. Il fallu attendre la seconde moitié du 19e siècle pour que la question de l'initiation des femmes dans la maçonnerie se pose dans des termes modernes...

Léon Richer, journaliste, franc-maçon, républicain imprégné des principes de 1789, partisan de l'égalité civile et politique des hommes et des femmes, fut le militant le plus ardent de cette cause.

 

Françoise Gaspard, Franc-Maçonnerie, République et exclusion des femmes, in La démocratie « à la française » ou les femmes indésirables

 

     Aseine     

           

Ainsi, la position de bien des maçons demeure la même à cent ans de distance : ils ne veulent pas que les femmes viennent bouleverser leur univers, car ils ne voient pas que les femmes puissent faire autre chose que troubler l'ordre...

La Constitution de 1946, dans son préambule, repris en 1958 dans celui de la Constitution de la Cinquième République, proclame l'égalité des sexes. On sait cependant que la France est l'un des pays démocratiques où l'on constate l'une des plus faibles représentations des femmes dans les assemblées élues...

 

Parmi, les liens nombreux qui demeurent entre la maçonnerie et la République, il est certainement nécessaire de s'interroger sur le symbole que les deux instances n'ont cessé d'avoir en commun : la fraternité. Celle-ci, quoique intériorisée par les femmes comme une part de la devise de la République, continue de les exclure.

 

Françoise Gaspard, Franc-Maçonnerie, République et exclusion des femmes, in La démocratie « à la française » ou les femmes indésirables

 

       Aseine7           

                                            

Plus qu'une simple organisation philanthropique, elle [la Franc-maçonnerie] est une société initiatique...

Mais, plus encore, elle est un espace de sociabilité qui choisit ses membres. N'entre pas qui veut en maçonnerie : après examen de la candidature par les frères de la loge sollicitée, il existe des étapes inévitables, des « épreuves », c'est la nature même de l'initiation...

 

L'entrée en maçonnerie fait appel, théoriquement ou idéalement, à l'être, cette dimension de la personnalité si souvent oubliée dans les fonctionnements sociaux contemporains, qui privilégient le paraître...


Beaucoup de travaux menés par les maçons dans leurs loges s'attachent à la signification des livres sacrés de toutes les religions, aux enseignements philosophiques, au symbolisme, à l'ésotérisme...

La maçonnerie spéculative a du reste suscité ses propres productions artistiques et inspiré des œuvres fameuses (La flûte enchantée et certaines cantates de Mozart, notamment). On ne peut en dire autant des groupes d'intérêts et lobbies qui investissent la sphère publique.

 

Cécile Auréjac, Les femmes dans la Franc-maçonnerie

 

             Aseine6

 

A l'origine, c'est une confrérie masculine héritière (héritage plus ou moins mythologique) des loges de maçons bâtisseurs. Mais les Francs-maçons œuvrent dans le spirituel : les édifices qu'ils bâtissent sont virtuels, leurs travaux intellectuels ; leur maçonnerie est « spéculative » et non « opérative »...

Née en Angleterre, à Londres, en 1717, en même temps que la révolte anglaise contre l'absolutisme, la Franc-maçonnerie est, en dépit de sa coloration mystique, un pur produit du siècle des Lumières...

 


La Franc-maçonnerie n'a pas été l'instigatrice de la Révolution française, les études les plus récentes l'ont montré, même si un esprit comparable anime en certaines occasions maçons et révolutionnaires. L'égalité tant prônée par les maçons est toute philosophique, nulle utopie sociale égalitaire dans leurs projets.

Si les loges transcendent les différences une fois que les portes du temple sont fermées, elles ne les abolissent pas. En un sens, le travail maçonnique est, pour paraphraser Daniel Roche, l'art de rendre les gens égaux sans leur faire perdre leur rang social...

 

Les Lumières ont certes éclairé la Franc-maçonnerie : pas suffisamment, semble-t-il, pour l'ouvrir à l'humanité entière. Bien sûr, à force de moyens détournés ou de systèmes parallèles, des femmes s'en sont très tôt approchées, surtout en France où elles étaient davantage impliquées dans la vie publique qu'en Angleterre. Il faudra néanmoins attendre le début du XXe siècle pour voir surgir la première véritable loge mixte. Encore aujourd'hui, les hommes sont largement majoritaires en maçonnerie.

 

Cécile Auréjac, Les femmes dans la Franc-maçonnerie

 

    

 

Les Francs-maçons revendiquent leur statut d'élite. Leur recrutement social, élevé, et leur investissement dans la vie de la cité en font potentiellement un élément moteur de la vie publique...

De grandes avancées sociales, en France mais aussi dans d'autres pays, ont été en partie portées par les travaux menés dans les loges : école publique, séparation de l’Église et de l’État, au début du XXe siècle, plus récemment le planning familial.

En revanche, si l'on excepte quelques prises de position individuelles courageuses, leur approche de la question féminine est longtemps restée teintée de préjugés caricaturaux...

 

En trois siècles d'existence, la Franc-maçonnerie française,.., a pris plusieurs virages et a peu à peu évolué. Au 18e siècle, elle recrutait essentiellement dans l'aristocratie : elle était une sorte de société élitiste fermée accueillant même en son sein des ecclésiastiques.

Les Bonaparte tenteront de la maîtriser (avec plus de succès pour Napoléon Ier que pour son neveu). A la fin du 19e siècle et au début du XXe siècle, sa principale obédience est très politisée et se lance avec vigueur dans la lutte pour la laïcité...

La répression la frappe pendant la Seconde guerre mondiale et freine pour longtemps ses ambitions publiques en tant que force politique, bien que l'on recense de nombreux maçons au sein du personnel politique jusque dans les années 1980 : le maître mot est « discrétion ».

 

Cécile Auréjac, Les femmes dans la Franc-maçonnerie

 

  Aseine8

 

Un courant éclairé de maçons, à l'exemple de Choderlos de Laclos, le romancier des Liaisons dangereuses, estime que les femmes ont droit à la maçonnerie ; ils ne parviendront pas à infléchir la trajectoire initiale dessinée par le Book of Constitution...

Les premières admissions ont vraisemblablement lieu en 1738, dans l'ordre des Chevaliers Rameurs et Dames Rameuses de Rouen. Il s'agit d'une Franc-maçonnerie édulcorée, principalement consacrée à l’œuvre de charité, un ordre mixte ouvert aux parentes ou épouses de maçons. Plusieurs autres créations vont suivre, à Paris, Marseille...

 

Ces ordres, dont les travaux sont philanthropiques et rencontrent un certain succès, ne sont pas reconnus par les instances officielles. La reconnaissance intervient en 1774, en tout cas celle des loges travaillant selon un rite spécifique. Il s'agit plus précisément d'une « prise en considération », par le Grand Orient, de l'existence de loges d'Adoption, c'est-à-dire de loges qui consentent à admettre des femmes à certains de leurs travaux. La maçonnerie d'Adoption est une maçonnerie sous autorité masculine .

 

Cécile Auréjac, Les femmes dans la Franc-maçonnerie 

 

           Aseine5

 

En 1866, est créée la Société pour la revendication des Droits de la femme, à l'initiative notamment de Léon Richer, Franc-maçon du Grand Orient, et de Maria Deraisme : celle-ci deviendra la personnalité la plus marquante du paysage maçonnique féminin en France et l'actrice principale de la création d'une obédience mixte...

 

L'éclosion d'une maçonnerie mixte en France est étroitement liée au parcours personnel de Maria Deraisme. Bien connue du monde intellectuel français de la fin du 19e siècle, ardente combattante de l'anticléricalisme, aux côtés de ses nombreux amis Francs-maçons, elle tient salon et se bat sur le terrain politique pour le droit des femmes.

 

Cécile Auréjac, Les femmes dans la Franc-maçonnerie

 

        Aseine4

 

Loges d'Adoption et loges mixtes du Droit Humain sont autant impliquées dans la société que les loges masculines, et surtout, elles ne le sont pas différemment : les femmes n'ont pas assimilé la maçonnerie mixte ou féminine au féminisme. L'histoire du Droit Humain montre bien qu'il a davantage hérité des revendications politiques des femmes qu'il ne les a suscitées...

 

Louise Michel, devenue Franc-maçonne en 1904, est exclue en 1907, « accusée d'avoir clamé que si les cléricaux donnaient la puissance aux femmes, elle irait à l’Église » : elle est plus féministe que maçonne. Au contraire, pour Madeleine Pelletier, entrée au Droit Humain la même année que Louise Michel, le féminisme est la « couche superficielle » reposant sur une « couche profonde » d'idéaux progressistes et anticléricaux.

Le Droit Humain est né en France en 1893.

 

Cécile Auréjac, Les femmes dans la Franc-maçonnerie

 

       Aseine2

 

La Grande Loge Féminine de France rassemble à elle seule environ 10 900 sœurs ; Le Droit Humain plus de 9 300 (et 4 600 frères)...

 

L'actuelle Grande Maîtresse de la Grande Loge Féminine de France, Marie-France Picart, écrit : « S'il était possible de n'évoluer que par la méditation ou la réflexion personnelle, il est probable que la Franc-maçonnerie et ses loges auraient disparu dans les sables des bonnes intentions utopistes de quelques savants rêveurs du début du 18e siècle. La Grande Loge féminine de France a vécu, elle s'est développée parce qu'elle propose une méthode, le travail en loge, double démarche personnelle et collective, école d'écoute et d'enrichissement par les différences, permettant d'avancer dans la recherche de progrès. »

 

Cécile Auréjac, Les femmes dans la Franc-maçonnerie

 

     Aseine3

 

A l'instar des anciennes obédiences masculines, la maçonnerie féminine recrute par cooptation, connaît bien peu la mixité sociale, n'échappe pas aux querelles internes et aux tentations d'entraide hors de tout principe, au nom de la fraternité maçonnique, même si les conséquences sont moins graves puisqu'il y a moins de femmes de pouvoir que d'hommes de pouvoir dans la société française, et cinq fois moins de maçonnes que de maçons.

 

Cécile Auréjac, Les femmes dans la Franc-maçonnerie

    

  

 

  

L'Anorexie

 

 

BALINSKA Marta Aleksandra, Chercheuse à l’Institut National de prévention et d’éducation pour la santé, et musicienne.

Retour à la vie. Quinze ans d’anorexie, Odile Jacob, 2003.

Émission réalisée le 04 mai 2004

 

    

 

 

 

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 Le Travail

 

 

MARUANI Margaret, Sociologue au CNRS.

Les nouvelles frontières de l’inégalité. Hommes et femmes sur le marché du travail, sous la direction de M.Maruani , La Découverte, 1998. M.Maruani et E.Reynaud, Sociologie de l’emploi, La Découverte, 1999.

Émission réalisée le 16 février 1999

 

MOLINIER Pascale, Maîtresse de conférences en psychologie du travail au Conservatoire National des Arts et Métiers.

Variations sur le corps, sous la direction de Pascale Molinier et Marie Grenier-Pezé, Cahiers du genre n°29, L’Harmattan, 2001.

Émission réalisée le 20 novembre 2001

 

LAUFER Jacqueline, Sociologue, professeure au Groupe HEC et co-directrice du Mage, et, MARUANI Margaret, Sociologue au CNRS-CSU, fondatrice du Mage et directrice de la revue Travail, Genre et Sociétés.

Masculin-Féminin : questions pour les sciences de l’homme, sous la direction de Jacqueline Laufer, Catherine Marry et Margaret Maruani, PUF, 2001.

Émission réalisée le30 avril 2002

 

GARDEY Delphine, Historienne chargée de recherche au Centre de Recherches en Histoire des Sciences et des Techniques (CRHST)-CNRS-Cité des Sciences et de l’Industrie.

La dactylographe et l’expéditionnaire. Histoire des employés de bureau 1890-1930, Belin, 2001.

Émission réalisée le 21 janvier 2003

 

MARUANI Margaret, Sociologue, directrice de recherche au CNRS. Fondatrice du groupe de recherche Marché du travail et Genre, elle dirige la revue Travail, genre et sociétés.

Les mécomptes du chômage,Bayard, 2002.

Travail et emploi des femmes, La Découverte, 2003.

Émission réalisée le 15 avril 2003

 

PERROT Michelle, Professeure émérite d’histoire contemporaine à l’université Paris 7-Denis Diderot.

Histoire des femmes en Occident (5 tomes), Perrin-tempus, 2002.

Émission réalisée le 21 octobre 2003

 

MOLINIER Pascale, Docteure en psychologie et maîtresse de conférences en psychologie au Conservatoire National des Arts et Métiers.

L’énigme de la femme active. Egoïsme, sexe et compassion, Payot, 2003.

Émission réalisée le 02 décembre 2003

 

ROCHEFORT Florence, Historienne, chargée de recherche au CNRS, et membre du comité de rédaction de la revue Clio Histoire Femmes et Sociétés, et, KIAN-THIEBAUT Azadeh, Maîtresse de conférences en sciences politiques à l’université Paris VIII et chercheuse au laboratoire du Monde Iranien de CNRS.

Le siècle des féminismes, préface de Michelle Perrot, sous la direction de Éliane Gubin, Catherine Jacques, Florence Rochefort, Brigitte Studer, Françoise Thébaud, Michelle Zancarini-Fournel, Les Éditions de l’Atelier, 2004.

Émission réalisée le 30 mars 2004

 

LAUFER Jacqueline, Sociologue, professeure à HEC et co-directrice du Mage, MARUANI Margaret, Sociologue, directrice de recherche au CNRS. Fondatrice du groupe de recherche Marché du travail et Genre, elle dirige la revue Travail, genre et sociétés.

Le travail du genre. Les sciences sociales du travail à l’épreuve des différences de sexe, sous la direction de J.Laufer, C.Marry, M.Maruani, La Découverte, 2003.

Émission réalisée le 18 mai 2004

 

FERRAND Michèle, Sociologue au laboratoire Cultures et sociétés urbaines du CNRS et associée à l’unité Démographie, genre et sociétés de l’INED.

Féminin, masculin, La Découverte, 2004.

Émission réalisée le 07 septembre 2004

 

PEZE Marie, Docteure en psychologie et psychanalyste.

Le deuxième corps, La Dispute, 2002.

Émission réalisée le 02 novembre 2004

 

MARRY Catherine, Sociologue, directrice de recherche au CNRS.

Les femmes ingénieurs. Une révolution respectueuse, Belin, 2004.

Émission réalisée le 25 janvier 2005

 

MARUANI Margaret, Sociologue, directrice de recherche au CNRS. Fondatrice du groupe de recherche Marché du travail et Genre, elle dirige la revue Travail, genre et sociétés.

Femmes, genre et sociétés. L’état des savoirs, sous la direction deMargaret Maruani, La Découverte, 2005.

Émission réalisée le 04 octobre 2005

 

PERROT Michelle, Professeure émérite d’histoire contemporaine à l’université Paris 7-Denis Diderot.

Mon histoire des femmes, Seuil/France Culture, 2006.

Entretien réalisé le 03 juillet 2006

 

RIOT-SARCEY Michèle, Professeure d’histoire contemporaine à l’université de Paris 8.

Dictionnaire des Utopies, Michèle Riot-Sarcey, Thomas Bouchet et Antoine Picon (sous la direction), Larousse, 2006.

Entretien réalisé le 25 Août 2006

 

 

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Vincent de gaulejac était mon professeur de sociologie à l'Université Denis Diderot (Jussieu).

C'était un excellent enseignant avec des cours très intéressants.

 

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J'ai invité en novembre 2004, dans l'émission Planète Féministe, Marie Pezé qui était passionnante.

Non seulement rien n'a changé de façon positive dans le monde du travail mais dans nombre de cas, la situation s'est aggravée !

 

  

 

 

 

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La Sollicitude

 

 

MOLINIER Pascale, Docteure en psychologie et maîtresse de conférences en psychologie au Conservatoire National des Arts et Métiers.

L’énigme de la femme active. Egoïsme, sexe et compassion, Payot, 2003.

Émission réalisée le 02 décembre 2003

 

 

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La Femmes Ingénieures

 

 

MARRY Catherine, Sociologue, directrice de recherche au CNRS.

Les femmes ingénieurs. Une révolution respectueuse, Belin, 2004.

Émission réalisée le 25 janvier 2005

 

 

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L'accès des filles aux professions supérieures prestigieuses comme celle d'ingénieur est une révolution : des verrous importants ont sauté comme celui pour accéder aux grandes écoles. Entre l'ère des pionnières – des années 1920 aux années 1970 – et celle des diplômées des années 1980-1990, il y a rupture générationnelle. Dans les écoles, et surtout dans les entreprises, ces diplômées sont passées du statut d'une minorité marginale et exotique à celui d'une minorité intégrée.

 

La sur-sélection scolaire et sociale qui caractérisait les pionnières s'est atténuée et elles prennent plus rarement la place d'un garçon « manquant » ou « défaillant » dans leur famille – frère, père, mari. Elles sont des héritières, notamment de leurs mères dont elles poursuivent souvent une trajectoire inaboutie d'émancipation, beaucoup plus que des transfuges de leur sexe. Leurs premiers emplois sont similaires à ceux de leurs camarades d'école et les retraits définitifs d'activités ou la « reféminisation » de leur trajectoire, vers le métier d'enseignante en particulier, sont devenus très rares.

 

Catherine Marry, Les femmes ingénieurs

 

     

 

Enfin, une proportion de plus en plus grande de couples formés par deux ingénieurs ou polytechniciens mène des carrières qui se stimulent l'une l'autre plutôt qu'elles ne s'annulent.

Cette progression de la dynamique égalitaire dans les couples montre aussi que cette banalisation ne joue pas seulement dans le sens d'un alignement des trajectoires des femmes sur celles des hommes mais aussi à travers un remaniement de celles des hommes : ils sont plus nombreux, aujourd'hui, à refuser de répondre, sans discuter, aux injonctions à la mobilité et à la disponibilité totale à l'entreprise ou à la carrière, que requiert le modèle canonique du cadre à « haut potentiel ».

 

Catherine Marry, Les femmes ingénieurs

 

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Cette révolution s'inscrit largement dans la dynamique des succès scolaires des filles. Ces dernières ont progressivement rattrapé et souvent dépassé les garçons à tous les niveaux du système éducatif, et sont aujourd'hui plus diplômées que les hommes. L'histoire de cette insolente réussite des filles doit moins à leur docilité et soumission aux réquisits de l'école qu'à leur insoumission ou subversion discrète par rapport à ce que l'on attend d'elles.

 

Catherine Marry, Les femmes ingénieurs

 

        Arb24

 

Le dernier verrou était celui des grandes écoles, commerciales et d'ingénieur : il s'est ouvert entre les années 1960 et 1980, rendant plus attractives les carrières d'ingénieurs et de cadres du privé.

Mais cette révolution est respectueuse. Elle n'a pas transformé le régime des inégalités de classes sociales dans l'accès à cette élite scolaire et professionnelle et n'a pas modifié, en profondeur, les modes d'organisation du travail ni les imaginaires sociaux du pouvoir qui restent masculins.

 

Aujourd'hui comme hier les grandes écoles recrutent leurs élus, filles et garçons, dans un univers social très exigu. Ce contraste entre le renversement des inégalités sexuées au profit des filles et la stabilité relative des inégalités de classes est d'autant plus frappant que le premier mouvement s'est opéré sans volonté politique explicite , alors que des politiques de démocratisation de l'école n'ont pas eu les effets attendus.

 

Catherine Marry, Les femmes ingénieurs

 

   Arb27

 

Les conditions d'insertion et de carrière des diplômés des écoles d'ingénieurs restent parmi les meilleures depuis des années, y compris pour les filles, mieux loties que lorsqu'elles ont opté pour des domaines plus féminisés (lettres, langues) ou mixtes (économies, droit, biologie).

 

Catherine Marry, Les femmes ingénieurs

 

   Arb28 

 

Cette révolution est aussi inaboutie. La féminisation est lente et limitée en particulier dans les écoles de la « grande porte » : les femmes représentent entre 10 et 15 % des promotions de l’École polytechnique et de ses écoles d'application, ainsi que des Écoles normales supérieures (en mathématiques et en physique) qui ouvrent, partout, sur les postes de pouvoir. Enfin, dans les plus hautes sphères de l'entreprise ou de la fonction publique, l'hégémonie masculine reste écrasante : les femmes y sont des exceptions et, sur elles, pèse toujours le soupçon de virilisation...

 

Catherine Marry, Les femmes ingénieurs

 

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L'explication de ce phénomène par les contraintes familiales spécifiques des femmes, notamment celles liées au métier de mère, ou par une socialisation sexuée qui les conduirait à se désintéresser de la course aux honneurs est insuffisante : la sphère des dirigeants reste aussi fermée aux célibataires qu'aux femmes mariées et mères.

 

Catherine Marry, Les femmes ingénieurs

 

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L'accès limité des femmes aux positions dirigeantes est observé dans toutes les professions, y compris dans celles qui sont féminisées de longue date, comme l'enseignement...

 

Des pistes d'interprétation de la résistance de ce ciel de plomb -...- ont été proposées en allant voir du côté des hommes, de leur organisation familiale mais aussi des politiques de gestion des carrières des cadres dirigeants par les entreprises. Ces dernières favorisent la promotion des plus conformes et dociles d'entre eux : conformité aux impératifs de mobilité et de disponibilité, à ceux de concurrence et d'élimination des plus faibles, notamment des femmes, de ces postes convoités, et adhésion au modèle le plus traditionnel de division sexuelle du travail, confinant les femmes à la sphère domestique.

Pour atteindre ce ciel de plomb, les femmes sont souvent contraintes de s'aligner sur le modèle masculin du cadre entièrement dévoué à son travail, à sa carrière sinon toujours à son entreprise.

 

Catherine Marry, Les femmes ingénieurs

 

     

 

 

 

La Culture 

 

 

KRAKOVITCH Odile, Conservateure générale aux Archives nationales, docteure ès lettre.

L’Exclusion des femmes. Masculinité et politique dans la culture au XXe siècle, sous la direction d’Odile Krakovitch et Geneviève Sellier, éditions Complexe 2001.

Émission réalisée le 15 mai 2001

 

FERRAND Michèle, Sociologue au laboratoire Cultures et sociétés urbaines du CNRS et associée à l’unité Démographie, genre et sociétés de l’INED.

Féminin, masculin, La Découverte, 2004.

Émission réalisée le 07 septembre 2004

 

  

VIENNOT Éliane, Professeure de littérature de la Renaissance à l’Université de Saint-Étienne et membre de l’Institut universitaire de France, et SELLIER Geneviève, Professeure en études cinématographiques à l’université de Caen.

Culture d’élite, culture de masse et différence des sexes, sous la direction de Geneviève Sellier et Éliane Viennot, L’Harmattan, 2004.

Émission réalisée le 19 avril 2005

 

PENA-RUIZ Henri, Agrégé et docteur en philosophie, maître de conférences à l’Institut d’études politiques de Paris et professeur en Khâgne au Lycée Fénelon à Paris. Ancien membre de la commission Stasi sur l’application du principe de laïcité.

Grandes légendes de la pensée, Flammarion, 2005.

Émission réalisée le 03 janvier 2006

 

 

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 Virginia Woolf

 

 

BRISAC Geneviève, Écrivaine, DESARTHE Agnès, Écrivaine et traductrice.

V.W. Le mélange des genres, éditions de l’Olivier/Le Seuil, 2004.

Entretien réalisé le 12 juin 2006

 

 

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D’emblée, Virginia Woolf met en scène, dans La Traversée des apparences, l’eau, la mort, la folie, déchaînées dans un cadre de vie raffiné, d’une douceur contrôlée. D’emblée, la sauvagerie éclate sous le calme factice, fabriqué de la civilisation. D’emblée, Virginia dénonce la brutalité fondamentale de la vie, son manque essentiel, d’autant plus terrifiants qu’ils parviennent à sourdre malgré toutes les garanties de sécurité, de bien-être, promises par une société si habile, si acharnée à colmater les failles par où pourrait surgir le danger...

Dans ce premier roman, paru en 1915, lorsqu’elle avait déjà trente-trois ans, Virginia Woolf va tenter de transporter “ailleurs”, au cours d’un voyage, d’un séjour de plaisance, un ensemble d’hommes, de femmes, venus d’Angleterre, issus de divers horizons...

Le dépaysement devrait les livrer aux forces naturelles dont leurs existences austères, mais douillettes, si codées, les protège et les prive à la fois. Il n’en sera rien...

 

Ils continueront de s’ennuyer, fuyant le désespoir métaphysique, l’horreur de la mort, les ravages affectifs, l’évidence de la perte permanente que représente la vie. La prudence l’emporte sur tout élan, le conformisme sur toute curiosité. Tout événement déclenche aussitôt le mécanisme qui l’annule...

 

Ils subiront, assoupis dans leur malaise sécurisant, la séparation d’avec ce qu’ils craignent et désirent à la fois, comme bloqués dans une île - leur île originaire ?...

La très belle et très signifiante traduction du titre en français, La Traversée des apparences, ne donne pas tout à fait le sens du titre anglais The Voyage out, intraduisible.

 

Préface de Viviane Forrester, in Virginia Woolf, La Traversée des apparences

 

   

 

 Pour Virginia Woolf, dès ce premier ouvrage et malgré son projet de dépaysement, ce n’est pas le déplacement géographique, ni même la trajectoire des destins qui influencent, modifient l’existence, la bouleversent, mais une crise permanente, insidieuse qui la trouble, qui sape le réel - le réel officiel...

Ce qui est perceptible devient souvent, pour Virginia Woolf, l’imperceptible, qui déclenche des émotions d’autant plus intenses qu’elles sont indicibles : on peut seulement les évoquer...

 

Partout, l’inquiétude. Il n’y a pas de garantie. Pas de paroi contre la mort, contre le manque. Pas de rempart contre l’ennui. Et c’est à partir de ce savoir-là que l’on peut créer. Ressusciter la vie...

D’autres crises jalonnèrent toute l’existence de Virginia Woolf, jusqu’à la dernière, fatale, en 1941. Elles avaient lieu, le plus souvent, lorsqu’elle venait d’achever un roman. Mais la pire fut celle ou, plutôt, celles, entrecoupées de rémissions, qui l’accablèrent entre 1913 et 1915, années de la rédaction et de la publication de La Traversée des apparences. (En 1912, Virginia avait épousé Leonard Woolf.)...

 

Au niveau de ses textes, elle ne négociera pas ce qu’elle appelait, elle-même, sa “folie” - comme ont pu le faire un Nietzsche, un Nerval, un Artaud. Elle n’écrivait que “guérie”...

Virginia Woolf était, cependant, loin d’être une femme morbide, plaintive. Pleine de vie, dynamique, elle a fondé avec son mari, Leonard Woolf, la Hogarth Press, entreprise devenue l’une des principales maisons d’édition anglaise.

 

Préface de Viviane Forrester, in Virginia Woolf, La Traversée des apparences

 

         Abb26

 

Dans Trois Guinées, Virginia Woolf indique bien : “Il n’y a qu’un seul monde, une seule vie, et nous devons lutter ensemble”, hommes et femmes. Elle sait que le malaise, le malheur des femmes est aussi celui des hommes... Elles sait la tragédie des différences ratées...

La référence à l’eau, à la mer traverse toute l’œuvre de Virginia, toutes ces années qui la mèneront vers la marche dans la rivière Ouse, une sorte de large canal sinistre, à plusieurs kilomètres de Rodmell, la propriété des Woolf, dans le Surrey...

 

A Leonard, Virginia laissera une lettre d’adieu qui ressemble plutôt à un certificat : “Très cher, je veux te dire que tu m’as donné un bonheur total. Personne n’aurait pu faire plus que tu as fait...”

Toujours en parallèle avec La Traversée des apparences, le premier livre de Virginia Woolf, on retrouvera dans Entre les actes, son dernier ouvrage, des personnages “piégés, en cage, prisonniers ; ils regardaient un spectacle, il ne se passait rien”...

 

A partir de ce livre-ci, à partir de cette Traversée, le périple de Virginia Woolf commence. Non pas le voyage, la distance, mais le retour... Pour Virginia, le voyage sera le retour à sa patrie : l’exil.

 

Préface de Viviane Forrester, in Virginia Woolf, La Traversée des apparences

 

         Abb27

 

Dans un désordre de vagues songeries, sa pensée semblait se fondre délicieusement, se combiner, communier avec l’esprit des lames blanchâtres du pont, avec l’esprit de la mer, avec l’esprit de Beethoven... elle effleurait d’un baiser la mer, montait, redescendait pour une nouvelle caresse, et ainsi, caressant et remontant tour à tour, s’en allait à perte de vue...

Ce voyage échappait à toutes les conventions et ne suivait aucun plan préconçu... Les époux se mirent donc à chercher un bateau assez lent, se prêtant à une sorte d’enquête confortable, car ils redoutaient le mal de mer...

 

Le lendemain, Clarissa, levée avant tout le monde, s’habilla et sortit sur le pont pour respirer la fraîcheur de la belle matinée. Comme elle faisait pour la deuxième fois le tour du bateau, elle se trouva face à face avec la maigre personne de Mr. Grice, le steward...

- Je crois vraiment que la plus belle chose au monde, c’est d’être marin !

- Et qu’en savez-vous ? rétorqua Mr Grice, prenant feu d’une façon inattendue. Excusez-moi, mais qu’est-ce qu’un homme ou une femme élevés en Angleterre peuvent bien savoir de la mer ? Ils font profession de s’y connaître, mais il n’en est rien...

 

En premier lieu, se rendait-elle compte du peu de place que la terre ferme occupe dans le monde ?...

La variété est un élément essentiel d’un beau paysage. Ainsi, avec des collines, il faut une rivière et avec une rivière il faut des collines... A la vue en question s’ajoutent avantageusement les souvenirs...

Je trouve, moi aussi, que la nature exerce sur nous un effet stimulant. Mes plus belles idées me sont venues en plein air.

- Quand vous étiez en promenade ?

- En promenade, à cheval, en croisière...

 

Virginia Woolf, La Traversée des apparences

 

       Abb28

 

Pendant le thé déjà, le parquet avait commencé à se soulever sous leurs pieds pour s’abaisser ensuite outre mesure ; au cours du dîner, le bateau parut se raidir en gémissant comme si un fouet allait s’abattre sur lui. Lui qui, jusque-là, avait été un gros cheval de trait sur la vaste croupe duquel des Pierrot auraient pu se livrer à leurs valses, il se transforma tout à coup en un poulain lâché en plein champ...

Le matin, ils se réveillèrent au sein d’une tempête qu’aucune politesse ne pouvait faire semblant d’ignorer... Chacun cherchait refuge dans sa cabine, les pieds solidement fixés au sol, tandis que le bateau roulait et tanguait. Leurs sensations étaient celles que pourraient éprouver des pommes de terre dans un sac sur un cheval au galop. Le monde extérieur n’était plus qu’une grisaille en tumulte...

 

Brusquement, à l’heure du thé, la tempête lâcha prise. Au moment même où le paroxysme attendu de l’intempérie touchait à son comble elle mollit tout à coup, retomba, et le bateau qui se préparait au plongeon accoutumé poursuivit sa route normalement. La monotone alternance - montées et descentes, rugissements et accalmies - était interrompue ; à table, chacun releva la tête et sentit au-dedans de soi quelque chose qui se relâchait. Avec la détente, des sentiments humains commencèrent à poindre, comme quand la lumière du jour reparaît au bout d’un tunnel.

 

Virginia Woolf, La Traversée des apparences

 

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C’était le matin, la mer était calme et le cargo avait jeté l’ancre à quelque distance d’un nouveau rivage... Les matelots hissaient les bagages sur leurs épaules, un groupe se formait...

- Allons, il faut partir, dit Clarissa. Au revoir, je vous aime vraiment, murmura-t-elle en embrassant Rachel...

Pendant quelques minutes, accoudés à la lisse, Helen, Ridley et Rachel suivirent des yeux la barque qui s’éloignait vers la côte. Une seule fois Mrs. Dalloway se retourna pour leur faire signe. Mais la barque diminuait à vue d’œil ; bientôt elle cessa de danser sur les vagues et l’on ne distingua plus que deux dos résolument tournés.

 

- Bon. Voilà qui est fini, dit Ridley après un silence prolongé. Et, se tournant pour aller retrouver ses livres, il ajouta : Ces gens-là, nous ne les reverrons plus jamais.

Un sentiment de vide et de tristesse s’emparait d’eux. Au fond de leurs cœurs ils avaient conscience d’une chose finie, d’une séparation décisive, et ils en demeuraient plus affectés que ne semblait le justifier la durée d’une telle rencontre. A peine le cargo eut-il repris sa route que déjà des aspects nouveaux, des sonorités différentes se substituaient peu à peu à la présence des Dalloway ; et cette impression était si pénible que chacun s’efforça de la combattre, sachant bien que lui-même serait pareillement oublié.

 

Virginia Woolf, La Traversée des apparences

 

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Après avoir accepté de vous parler, je suis allée m’asseoir au bord d’une rivière et je me suis interrogée sur le contenu des mots “roman” et “femme” ainsi rapprochés l’un de l’autre... il est indispensable qu’une femme possède quelque argent et une chambre à soi si elle veut écrire une œuvre de fiction...

Perdue dans mes pensées... J’étais donc assise sur les berges d’une rivière par une belle journée d’octobre, voilà une ou deux semaines. Le poids dont je vous ai parlé - la femme et le roman, la nécessité d’arriver à me faire une opinion sur un sujet qui suscite tant de préjugés et de passions - m’accablait... La rivière reflétait ce qui lui plaisait du ciel et du pont et de l’arbre flamboyant. Et, quand le jeune étudiant eut passé avec son canot à travers ces reflets, ceux-ci se reformèrent comme s’il n’avait jamais existé...

 

Et ce saule, et cette rivière, et ces jardins qui descendent vers la rivière et que la brume qui les effleure rend imprécis, mais que dore et rougit cependant l’éclat du soleil - où est, en ce qui les concerne, la vérité ou l’illusion ?... C’était le moment où la beauté du monde, éclatante mais prête à périr..., montre ses deux visages : visage riant et visage d’angoisse qui partagent également notre cœur.

 

Virginia Woolf, Une chambre à soi

 

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Quel est l’effet de la pauvreté sur le roman ? Quelles sont les conditions nécessaires à la création des œuvres d’art ?

Les femmes sont-elles capables ou non de s’instruire ? Napoléon les en croyait incapables. Le Dr Johnson était d’avis contraire. Ont-elles une âme ou n’en ont-elles pas ? Certains sauvages disent qu’elles n’en ont pas. D’autres, au contraire, soutiennent que les femmes sont à demi divines, ce pourquoi ils leur consacrent un culte. Certains sages soutiennent qu’elles sont superficielles ; d’autres qu’elles sont très profondément conscientes. Goethe les honorait ; Mussolini les méprisait...

 

Peut-être, lorsque le professeur insiste d’une façon par trop accentuée sur l’infériorité des femmes, s’agit-il non de leur infériorité à elles, mais de sa propre supériorité. C’est cette supériorité qu’il protège avec tant de fougue et d’énergie parce qu’elle lui semble un joyau d’une exceptionnelle valeur. La vie pour les gens des deux sexes ... est ardue, difficile, une lutte perpétuelle. Elle exige un courage et une force gigantesque. Et plus que toute autre chose peut-être, elle exige la confiance en soi...

Et comment pouvons-nous faire naître cette qualité impondérable et cependant si précieuse ? En pensant que les autres sont inférieurs à nous. En sentant que nous avons quelques supériorités innées... car il n’y a pas de limite aux pathétiques inventions de l’imagination humaine...

 

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Quand on n’est pas historien on peut même aller plus loin et dire que les femmes flamboient comme des phares dans les œuvres de tous les poètes depuis l’origine des temps, Clytemnestre, Antigone, Cléopâtre, lady Macbeth, Phèdre, Cressida, Rosalinde, Desdémone, la duchesse d’Amali dans les drames ...

Vraiment, si la femme n’avait d’existence que dans les œuvres littéraires masculines, on l’imaginerait comme une créature de la plus haute importance, diverse, héroïque et médiocre, magnifique et vile, infiniment belle et hideuse à l’extrême, avec autant de grandeur que l’homme, davantage même, de l’avis de quelques-uns. Mais il s’agit là de la femme à travers la fiction. En réalité,... la femme était enfermée, battue et traînée dans sa chambre.

 

Un être étrange, composite, fait ainsi son apparition. En imagination, elle est de la plus haute importance, en pratique, elle est complètement insignifiante. Elle envahit la poésie d’un bout à l’autre ; elle est, à peu de chose près, absente de l’Histoire. Dans la fiction, elle domine la vie des rois et des conquérants ; en fait, elle était l’esclave de n’importe quel garçon dont les parents avaient exigé qu’elle portât l’anneau à son doigt. Quelques-unes des paroles les plus inspirées, quelques-unes des pensées les plus profondes de la littérature tombent de ses lèvres ; dans la vie pratique elle pouvait tout juste lire, à peine écrire, et était la propriété de son mari.

 

Virginia Woolf, Une chambre à soi   

 

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Une vie libre, à Londres, au XVIe siècle, aurait impliqué pour une femme poète et auteur dramatique une tension nerveuse et un déchirement tels qu'ils l'auraient sans doute tuée. Eût-elle survécu, tout ce qu'elle eût écrit, découlant d'une imagination faussée et morbide, en eût été déformé et contrefait. Et sans doute, pensai-je, regardant le rayon où ne  se trouvent point de pièces écrites par des femmes, n'auraient-elle pas signé ses œuvres. Ce refuge de l'anonymat, elle l'aurait certainement recherché...
       
Tout semble s'opposer à ce que l’œuvre  sorte entière et achevée du cerveau de l'écrivain. Les  circonstances matérielles lui sont, en général, hostiles. Des chiens aboient, des gens viennent interrompre le travail ; il faut gagner de l'argent ; la santé s'altère. De plus, l'indifférence bien connue du monde aggrave ces difficultés et les rend plus pénibles...

C'est pourquoi l'écrivain..., est atteint de toutes les formes de déséquilibre et de  découragement... Mais les difficultés,..., étaient infiniment plus terribles quand il s'agissait de femmes...

 

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Les difficultés matérielles auxquelles les femmes se heurtaient étaient terribles ; mais bien pires étaient pour elles les difficultés immatérielles... Le monde leur disait avec un éclat de rire : Écrire ? Pourquoi écririez-vous ?...

Il est mille fois regrettable que la femme qui pouvait écrire ainsi, et dont l'esprit s'accordait à la nature et aimait la méditation, ait été contrainte à la colère et à l'amertume...

Les chefs-d’œuvre ne sont pas nés seuls et dans la solitude ; ils sont le résultats de pensées en commun, de pensées élaborées par l'esprit d'un peuple entier...


       
Nous sommes là devant une femme [Jane Austen] qui, aux  environs de 1800, écrivit sans haine, sans amertume, sans  crainte, sans récriminations, sans verser dans le sermon. C'est  ainsi qu'écrivit Shakespeare, pensai-je, regardant Antoine  et Cléopâtre ; et quand on compare Shakespeare à Jane Austen, sans doute est-ce parce que l'on pense que l'esprit de l'un et celui de l'autre ont surmonté tous les obstacles...

Si  quelque chose de sa condition fit souffrir Jane Austen, ce fut l'étroitesse de la vie qui lui fut imposée. Il était alors  impossible pour une femme de circuler seule. Elle ne voyagea  jamais... Mais peut-être était-il dans sa nature de ne pas avoir besoin de ce qu'elle n'avait pas. Son don et sa condition se  complétaient heureusement.
       
Virginia Woolf, Une chambre à  soi

 

       

 

Des millions d'êtres se révoltent en silence contre leur sort. Nul ne sait combien de rébellions fermentent dans la masse de vie que les gens enterrent. On suppose que les femmes en général sont très calmes ; mais les femmes sentent de la même façon que les hommes...

 

Tout comme nous sentons constamment une aigreur qui est la conséquence de l'oppression, une souffrance refoulée couvant sous la colère, une rancoeur qui, comme un spasme de douleur, contracte ces admirables livres. Et puisqu'un roman est à ce point en liaison avec la vie réelle, ses mérites sont dans une certaine mesure ceux de la vie réelle... 

Quel génie, quelle probité il leur aurait fallu, en présence de toutes les critiques, au milieu de cette société purement patriarcale, pour s'en tenir fortement à leur propre point de vue, à la chose telle qu'elles la voyaient, sans battre en retraite. Seule Jane Austen eut ce génie et cette probité et aussi Emily Brontë...

 

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Et je me mis à penser à tous ces grands hommes qui, pour une raison ou pour une autre, ont admiré une femme, ont recherché une femme, ont vécu avec une femme, ont compté sur une femme, ont été amoureux d'une femme, ont écrit à propos d'une femme, se sont fiés à une femme et ont montré ce que l'on ne peut que dépeindre comme un besoin, une dépendance de certaines personnes du sexe opposé...

 

Ce que de toute évidence ils obtinrent était quelque chose que les êtres de leur propre sexe étaient incapables de leur donner... et peut-être ne serait-il pas téméraire de ma part de définir ce qu'ils obtinrent ainsi,... comme une sorte de stimulant, de renouvellement de leurs forces créatrices...

Sans aucun doute, la littérature élisabéthaine aurait été très différente de ce qu'elle est si le féminisme avait pris naissance au XVIe siècle et non au XIXe... 

Virginia Woolf, Une chambre à soi

 

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Toute cette opposition de sexe à sexe, de qualité à qualité, toute cette revendication de supériorité et cette imputation d'infériorité, appartiennent à la phase des écoles primaires de l'existence humaine, phase où il y a des "camps", et où il est nécessaire pour un camp de battre l'autre et de la plus haute importance de monter sur l'estrade et de recevoir des mains du directeur lui-même une coupe hautement artistique.

 

A mesure que les gens avancent vers la maturité, ils cessent de croire aux camps et aux directeurs d'école ou aux coupes hautement artistiques. De toute manière, quand il s'agit de livres il est notoirement difficile d'étiqueter de façon durable leurs mérites...

Ni louange ni blâme ne signifient rien... 

Écrivez ce que vous désirez écrire, c'est tout ce qui importe, et nul ne peut prévoir si cela importera pendant des siècles ou pendant des jours. Mais sacrifier un cheveu de la tête de votre vision, une nuance de sa couleur, par déférence envers quelque maître d'école tenant une coupe d'argent à la main ou envers quelque professeur armé d'un mètre, c'est commettre la plus abjecte des trahisons...

 

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La liberté intellectuelle dépend des choses matérielles. La poésie dépend de la liberté intellectuelle. Et les femmes ont toujours été pauvres, et cela non seulement depuis deux cents ans, mais depuis le commencement des temps. Les femmes ont eu moins de liberté intellectuelle que les fils des esclaves athéniens. Les femmes n'ont donc pas eu la moindre chance de pouvoir écrire des poèmes. Voilà pourquoi j'ai tant insisté sur l'argent et sur une chambre à soi...



Les livres s'influencent, pour ainsi dire, réciproquement. Se trouver en tête à tête avec la poésie et la philosophie rendra la fiction meilleure. De plus, si vous regardez attentivement l'une des grandes figures du passé, Sapho, lady Murasaki ((978-1016), romancière, auteure d'une des plus grandes œuvres littéraires japonaises : l'histoire du Genji.), Emily Brontë, vous verrez qu'elle est en même temps héritière et pionnière, et qu'elle est venue au monde parce que les femmes étaient parvenues à l'habitude d'écrire naturellement, de sorte que toute activité littéraire, même en tant que prélude à la poésie, serait inestimablement précieuse pour vous...



Je me trouve en train de dire d'une façon concise et prosaïque qu'il est beaucoup plus important d'être soi-même que quoi que ce soit d'autre.

Virginia Woolf, Une chambre à soi

 

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Ils allaient là régulièrement tous les soirs, mus comme par un besoin. On aurait dit que cette eau détachait, faisait voguer des pensées qui, sur la terre ferme, auraient été stagnantes et même qu'elle donnait à leurs corps une sorte de détente physique. D'abord la pulsation de la couleur inondait le golfe de bleu ; le coeur se dilatait avec elle et le corps tout entier avait l'impression de nager, pour être, l'instant d'après, arrêtés et glacés par la noirceur épineuse des vagues contrariées...

Le double sentiment de cette immensité et de cette petitesse (la flaque avait de nouveau diminué) qui s'y épanouissaient lui fit éprouver la sensation d'être pieds et poings liés, d'être incapable de se mouvoir tant était immense l'émotion qui réduisait au néant et pour toujours son propre corps, sa propre vie et les vies de tous les êtres qui sont au monde...

 

Par pitié pour lui, car elle avait maintenant assez de vitalité pour se remettre en route, elle s'était attelée à toute cette besogne à la façon d'un marin qui sent le vent gonfler sa voile, mais non sans lassitude, non sans envie de demeurer où il se trouve et qui se dit que, si son navire avait coulé, il serait descendu en tournoyant jusqu'au fond de la mer pour y trouver le repos.

 

 

Virginia Woolf, La Promenade au phare

 

 

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C'est ainsi que régnaient ensemble le calme et la beauté, et leur union donnait à cette même beauté l'aspect d'une forme d'où la vie s'est retirée, forme solitaire comme un étang aperçu le soir dans le lointain de la fenêtre d'un wagon et qui disparaît si vite dans sa pâleur vespérale que c'est à peine si notre regard l'a dépouillé de cette solitude. Le calme et la beauté se donnaient la main dans la chambre à coucher et l'irruption indiscrète du vent, comme l'inquisition douce et tenace des airs chantés par la mer, qui, au milieu des pots à eau et des chaises recouvertes de leur housse soufflaient, insistaient, répétaient leurs éternelles questions : “Allez-vous vous faner ? Allez-vous périr ?”, troublaient à peine cette paix, cette indifférence, cet air de pure intégrité, comme si à la question qu'ils posaient il n'eût guère été nécessaire de répondre : nous demeurons...

Quel est le sens de la vie ? Voilà tout – c'est une question bien simple ; une question qui tend à nous hanter à mesure que les années passent. La grande révélation n'était jamais venue. La grande révélation ne vient peut-être jamais. Elle est remplacée par de petits miracles quotidiens, des révélations, des allumettes inopinément frottés dans le noir ; en voici une...

 

Tout était silence...

Tout cela était vague, irréel, mais d'une pureté, d'un attrait étonnamment vifs...

 

En bas, parmi les petits bateaux qui flottaient, les uns avec leurs voiles carguées, les autres en train de s'éloigner lentement, car le temps était très calme, il y en avait un légèrement à l'écart des autres. On était justement en train de hisser la voile. Elle eut la certitude que là, dans ce petit bateau très lointain et entièrement silencieux, Mr Ramsay se trouvait assis avec Cam et James. Voici qu'ils avaient hissé la voile ; voici qu'après quelques battements et quelque hésitation elle s'était gonflée. Et enveloppée dans un profond silence, elle regarda la barque prendre délibérement sa direction et dépasser les autres bateaux en route vers le large.

 

Virginia Woolf, La Promenade au phare

 

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La déraison de la guerre a eu raison de son obstination à ne pas mourir, en écrivant. La réalité des bombes toutes proches,.., l'a conduite non dans la tombe, mais dans l'eau, ces rivières et ces étangs, qu'elle aimait : fascinée...

La “position” de Virginia Woolf ne faisait l'économie ni du principe de réalité, ni du principe de plaisir périlleux à formuler encore dans la première moitié du XXe siècle. Virginia Woolf ne se pose donc pas en “héroïne” d'une improbable libération subjective. Dans les longues notes de “Trois Guinées” où elle convoque Antigone, il s'agit plutôt d'indiquer une voie difficile et incertaine que d'entonner une marche triomphale...

 

Elle voulait “traverser les apparences” et le temps...

Le travail de l'écriture, son acte et sa “virtù”, retiennent Virginia au bord du puits. Lorsqu'elle a fini un texte, Virginia s'arrête un instant d'écrire et tombe dans le puits d'angoisse...

L'écriture lui servait de corde : funambule au-dessus du vide. Écrire constitue une issue.

 

Françoise Duroux, Virginia Woolf. Identité, politique, écriture

 

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Virginia en appelle à une transformation du sort fait aux femmes par la logique patriarcale...

En fait, son pamphlet [Trois guinées publié en 1938] est d'un ton plus grave que le premier [Une Chambre à soi publié en 1929]. Il est écrit dans le contexte de la guerre d'Espagne. Elle a d'ailleurs avec son mari fait un séjour en Allemagne à l'époque de la montée du nazisme et pris la mesure de ce qui s'y passait.

 

Son argument prétexte : “Comment les femmes pourraient-elles aider à empêcher la guerre”, lui donne l'occasion d'examiner la façon dont les femmes sont prises dans le paradoxe qui les enferme et ceci d'une façon me semble-t-il extrêmement moderne.

 

Je la cite : “Derrière nous s'étend le système patriarcal avec sa nullité, son immoralité, son hypocrisie, sa servilité. Devant nous s'étendent la vie publique, le système professionnel, avec leur passivité, leur jalousie, leur agressivité, leur cupidité. L'un se referme sur nous comme sur les esclaves d'un harem, l'autre nous oblige à tourner en rond, telles des chenilles dont la tête rejoint la queue, nous oblige à tourner tout autour de l'arbre sacré de la propriété. Nous n'avons de choix qu'entre deux maux.”

 

Alors, quelle est la finalité de cette fiction Woolfienne ? Pour elle, l'univers de la vie privée et l'univers de la vie publique sont inséparablement liés. Cela peut paraître une banalité pour nous aujourd'hui, encore que... Mais cela n'en était pas une à l'époque.

 

Dès lors, s'adressant à son interlocuteur, un homme, elle dit “Un intérêt commun nous unit : il n'y a qu'un monde, qu'une vie.” Rappelant les maisons en ruine de la guerre d'Espagne elle ajoute : “Car telle sera notre ruine si, dans l'immense espace abstrait de votre vie publique, vous oubliez l'image intime ; ou si nous oublions dans l'immensité de nos émotions intimes, le monde extérieur et public. Nos deux maisons seront détruites, l'édifice public et la demeure privée, la matérielle et la spirituelle car elles sont inséparablement liées.”

 

Voilà l'engagement politique de Virginia Woolf. Et vous remarquerez combien il est cohérent avec la visée poétique prônée dans son œuvre de fiction. Réinvestir l'espace intime, lui donner droit de cité dans le roman comme dans la vie réelle.

 

Irène Foyentin, Qui a peur de Virginia Woolf ?, sous la direction de Françoise Duroux, Virginia Woolf. Identité, politique, écriture

 

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«Les souvenirs d'enfance dit-elle, sont plus intenses que les autres, car nous ne sommes alors que le réceptacle d'un sentiment d'extase et de ravissement.» Et ce don : ne plus être qu'un réceptacle, n'être plus rien d'autre que le pur lieu de passage des sensations et des émotions, c'est un des mystères autour desquels tourne la création...

Comme on le voit de manière si saisissante au fil des chapitres des Vagues, le temps passe. Ce qui était exaltant au jour des commencements devient ennuyeux. Les tensions grandissent, et les gens changent...

 

Les crises graves ne constituaient pas – loin de là – le quotidien des Woolf, mais leur mariage avait été presque aussitôt suivi d'une dépression longue et violente qui ne devait cesser de menacer leur commune tranquillité d'esprit...

Il arrivait que Virginia s'insurge contre les soins excessifs et les restrictions imposées par Leonard. Cependant, les lettres s'étalant entre décembre 1913 et juin 1914 (au plus noir de la dépression) rendent justice à cette relation complexe, mais remarquablement égalitaire.

 

Geneviève Brisac et Agnès Desarthe, V.W.

 

 

                                            Virginia woolf

 

Les lettres sont un baromètre. Sans lettres, Virginia se morfond. Comme le note Bernard, le personnage des Vagues qui est souvent son porte-parole : «La vérité est que j'ai besoin d'être stimulé par la présence de gens. Tout seul, penché sur mon feu éteint, je vois trop les côtés faibles de mes histoires.»...

Les lettres sont une fenêtre ouverte, la lumière et la chaleur qui permettent de se remettre au travail...

Les lettres sont aussi une nourriture intellectuelle. Elles doivent être bourrées d'idées. Mais il faut qu'il y ait des faits, du concret comme elle dit...

 

«Pourquoi restons-nous muets comme des carpes, paralysés par la stupeur, alors qu'il n'y a rien de plus important au monde que notre commun besoin d'affection et d'admiration ? Je crois que les humains sont fondamentalement écrasés par leur sentiment d'insignifiance.»

Elle, elle aime les lettres, parce qu'on y parle sans être vue. On se blottit dans des bras qui ne risquent pas de vous lâcher. On fait l'intéressante sans craindre de voir l'ennui crisper les traits du visage qui vous fait face. Mais elle n'est pas dupe. Nous ne connaissons jamais l'autre, ne cesse-t-elle de répéter, si ce n'est à travers l'image que nous nous en faisons et qui n'est qu'une émanation de nous-même.

 

Geneviève Brisac et Agnès Desarthe, V.W. 

 

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Jamais – dans son œuvre de fiction – elle n'élève la voix ni ne prend parti, et pourtant comment ne pas reconnaître le courage avec lequel elle décrit l'horreur de la guerre dans ce qu'elle a de plus barbare : la disparition en masse, niant par le nombre la spécificité des chagrins ?

C'est par son système hautement subversif qu'elle s'insurge le mieux contre la blague du pouvoir et cette lèpre déjà naissante du «tout économique» qui n'a pas fini de ravager nos sociétés occidentales...

Virginia Woolf met tout par terre : la temporalité morne des banquiers et la domination patriarcale. Il est vrai que son «engagement» est purement artistique, que malgré des sympathies politiques affichées, elle n'adhérera jamais à aucun parti...

 

Elle [Virginia Woolf] passe la moitié de ses journées à se promener, s'émerveillant de la perfection et de la complexité du monde, de sa splendeur aussi : «Quant à la beauté de tout cela, je l'ai toujours dit, quand je me promène sur la terrasse après le petit déjeuner, c'est trop pour un seul regard. Cela suffirait à combler de joie tout un peuple pour peu qu'il consentit à regarder.»...

 

«Jusqu'à la quarantaine, constate Virginia dans Esquisse du passé, la présence de ma mère m'obséda.» La Promenade au phare est l'occasion de se libérer de cette emprise, de mettre fin à cette occupation en construisant un livre-stèle, une sépulture de papier au cœur de laquelle la mère repose enfin.

 

Geneviève Brisac et Agnès Desarthe, V.W.

 

 

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C'est l'un des nombreux paradoxes de Virginia Woolf : faire table rase, oui, mais en gardant la table, dont les quatre pieds seraient Homère, Shakespeare, Eschyle et Dante...

Finalement, il faut beaucoup d'idéalisme pour écrire, ou beaucoup de dérision. Dans les premières pages d'Orlando, on trouve une belle définition de la nature humaine qui ferait plutôt pencher pour la seconde qualité, cette dérision qui est le contraire du cynisme et le rempart le plus solide contre les pièges du narcissisme...

 

Il y eut le travail, il y eut la fatigue, et il y eut, souvent, le découragement. Et les autoaccusations épuisantes, d'égoïsme, de paresse, et de stérilité aussi. D'insignifiance. De vanité...

Cette conscience suraiguë faite aux femmes constitue le paysage mental de toute l’œuvre, de la Promenade au phare, à Orlando en passant par Les Années, mise en abyme de destins féminins multiples de l'enfance à la mort, sans oublier Mrs Dalloway et sa détresse...

 

Trois Guinées est une bulle magique, un narcotique. Les images habituelles lui viennent, le texte galope, les idées fusent, elle est un volcan, et tout cela dresse un rempart contre les idées noires, se battre avec les mots, contre la bêtise épaisse, contre l'étrange aspect du monde, le pâle monde sans illusions qu'elle aperçoit de temps à autre lorsque les parois, dit-elle, s'amincissent, que la protection s'estompe...

 

Lorsque Virginia Woolf n'écrit pas, elle se ronge, lorsqu'elle écrit elle s'épuise. Mais il existe deux sortes d'épuisement. D'un côté, celui qui accompagne l'exaltation et lui fait regretter, un jour de janvier 1941 : «Ce dont j'ai besoin, c'est des enthousiasmes d'autrefois.» De l'autre, l'épuisement qui suit la fin d'un livre, et fait résonner alors, comme un glas, la vanité de l'entreprise. Une fois le livre terminé, on ne comprend même plus pourquoi on a voulu l'écrire.

 

Geneviève Brisac et Agnès Desarthe, V.W.

 

 

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Les hauts et les bas. Virginia Woolf eut beaucoup des deux et les lignes qu'elle écrit sur le bonheur d'être au monde – ce qu'elle nomme dans La Promenade au phare le trésor de la vie – sont aussi convaincantes et nombreuses que celles qui s'attachent à décrire ses dépressions. C'est une question de lucidité...

C'est lorsqu'on est au plus mal que le pouvoir de perception s'accroît, elle le rappelle dans son Journal en septembre 1919...

Elle a connu tant de deuils, surmonté tant de chagrins, vécu des temps si difficiles que l'on voudrait croire à sa longévité.

 

Mais voilà, le 28 mars 1941 elle s'est jetée dans l'Ouse, des cailloux dans les poches, elle avait cinquante-neuf ans. Il est facile ensuite de prétendre que tout le laissait prévoir, et on lit à rebours chaque plainte comme un signe avant-coureur. La moindre larme se fait oracle...

On a trop vite étiqueté sa psyché et on s'est empressé d'oublier que les trois grandes dépressions qui marquèrent sa vie se déclarèrent toutes à la suite d'un choc...

 

En 1941, on ne voyait pas grand-chose. C'est cette absence de vision qui, à la même époque, entraîna vers le suicide Walter Benjamin et Stefan Zweig, ainsi que beaucoup d'autres dont nous ignorons les noms.

Mettre fin à ses jours en 1941, aveuglé par la barbarie nouvelle, ne peut s'interpréter comme un simple geste de désespoir, c'est un acte de rébellion, un acte politique, l'expression d'un désaccord si profond qu'il fend la conscience en deux.

 

Geneviève Brisac et Agnès Desarthe, V.W.

 

 

  

 

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