Marie-Anne 1

Inspiration et Réflexion

 

 

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                         Photo : Septembre 2012

 

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Marie-Anne

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Ci-dessous figure le texte Le Destin, la Source & Manon qui s'apparente à une allégorie, à une parabole.

 

Allégorie : Figure de style, expression de la pensée ou symbole qui permet de saisir une idée, un raisonnement, un concept grâce à une image, un tableau, une histoire ou un récit.

Parabole : Récit allégorique qui cache une leçon de vie en montrant une situation comparable à celle vécue, étudiée, analysée en réalité.

                                          

 

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                                 Photo : Juin  2017

 

   Le Destin, la Source & Manon

 

         Le Destin ou la Force du Destin

     

                Vivre d'amour et d'eau fraîche

   Impossible de vivre d'amour sans l'eau fraîche.

   Impossible de vivre d'eau fraîche sans l'amour.

 

Faux ami, manipulateur, prêt à se retourner contre son complice et vieil oncle avec qui il a bouché la Source qui appartenait à Jean de Florette, Aimée et Manon, afin de réussir sa culture d’œillets en vue de s'enrichir - peu importe le prix de cette "réussite" et son coût dramatique pour cette famille - Ugolin éprouve une attirance intense envers Manon qui devient même son obsession. Mais il ne parvient pas à la séduire ni à la convaincre. Elle demeure insaisissable.

Pourquoi ne pas regarder une autre femme ? Pourquoi cette idée fixe ? Pourquoi cette fascination envers Manon au point de ne pas pouvoir renoncer à elle ? Pourquoi Manon subitement devient plus importante que la récolte des œillets ?

Cette détermination acharnée est-elle similaire à celle qui habitait l'âme de Jean de Florette dans sa quête champêtre qui consistait à pouvoir vivre et s'alimenter des fruits de son travail ?

Impossible renoncement dans les deux cas de figure.

 

Soif de comprendre pourquoi l'eau ne coule plus nulle part avec les conséquences catastrophiques que cela implique. Que se passe-t-il quand les villageois/es n'ont plus accès à l'eau ? Sont-ils prêt/es à s'exiler de leurs terres ? A changer d'orientation, de direction, d'habitation ? Quelles sont leurs réactions quand c'est à leur tour de subir le Destin ?

 

 

        

 

                        Le Destin

                        Le Destin

           Ecrire, Récrire son Destin

 

    

Le Destin est-il pour vous, une croyance ou simplement une constatation explicative de ce qui est advenu, de ce qui arrive, de ce qui se déroulera prochainement en fonction du temps, des décisions et des actions  humaines prises et entreprises, en n'oubliant pas les aléas de la vie, ce qui peut possiblement "tomber du ciel", la part d'imprévisibilité et de hasard qui s'échelonnent tout au long de l'existence ?

 

Comment suivre sa bonne étoile ?

Peut-on suivre sa bonne étoile même quand le Destin frappe ?

 

 

     

 

                        Le Destin

                        Le Destin

                        Le Destin

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 Le Destin, la Source & Manon, Marie-Anne Juricic

 

 

«Comme le temps s'écoule lentement ici, entouré que je suis par les glaces et la neige ! J'ai pourtant franchi une étape supplémentaire vers la réalisation de mon objectif. J'ai affrété un navire, …

Ne croyez pas voir faiblir ma résolution parce que je me plains un peu, ou parce que j'imagine une consolation à des épreuves que je ne connaîtrai peut-être jamais. Elle est aussi ferme que le Destin ; et mon voyage commencera dès que le temps le permettra.»

Frankenstein ou Le Prométhée moderne, Mary Shelley 

  

 

"Le temps était venu d'avoir la paix

Ou une trêve après si longue guerre.

J'étais en route, en détournant mes pas

Joyeux vers qui rend nos destins égaux."

Canzoniere, Pétrarque, Poète et humaniste italien du 14e siècle

 

 

«Et donc, le plus prisé alors, c'était le bronze, et l'or,.., gisait abandonné. C'est le bronze, à présent, qui gît abandonné, et l'or qui a monté au comble de l'honneur. C'est ainsi que le temps, en son déroulement, vient changer le destin des choses. Ce qui fut un jour apprécié finit par n'être un jour plus du tout honoré ; c'est autre chose, alors, qui vient prendre sa place et qui sort du mépris, qu'on se met à chercher chaque jour davantage, et qu'on fleurit d'éloges quand on en a trouvé, qui se trouve, dès lors, tenu par les mortels en étonnante estime.»

De la nature des choses, Lucrèce

 

 

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Parfois quand on est confrontée à une tempête houleuse, que l'on rencontre de nombreux obstacles sur son chemin en raison de vents violents qui nous bousculent et qui vont dans le sens contraire à notre direction, à notre ambition, il est bon de se rappeler que c'est le moment où jamais de devenir une grande capitaine de sa vie, de son destin.

« Car se dresser en face du destin, et garder de la grâce dans les tourments, ce n'est pas seulement subir, c'est agir, triompher positivement » comme le soulignait si bien Thomas Mann, dans La Mort à Venise, en ajoutant : « Et puis quel jeu, quel défi, quelle jouissance n'est-ce pas de travailler ainsi à son propre talent ! »

 

A travers l'aventure Planète féministe, j'ai connu quelques traversées mouvementées mais cette histoire fut d'abord celle d'une odyssée incroyable, remarquable aussi rassurante que gratifiante. Mais parallèllement à ce cheminement ensoleillé, une ombre extérieure à ma volonté, à mon pouvoir est venue assombrir l'horizon.

                                 

           

 

                         Destin, Destinée, Destination...

   

 

                                                                                                       

 

                                                                              

Définitions du DESTIN :

                           

Amor fati : l'amour du Destin. Le fait d'aimer, d'embrasser ou tout simplement d'accepter  sa propre destinée.

  

         

                                 La Force du Destin- Verdi

                       

                                                                                                                

                                                                               

    

 

Il est des moments où l'on observe des coïncidences troublantes qui se présentent à la fois comme un hasard et une sorte de signe ou de synchronicité.

Sorte de clin d’œil du Destin.

 

      

 

                         L'Histoire de Manon

 

L'Histoire de Manon (Manon des Sources de Marcel Pagnol et pas Manon Lescaut de l'Abbé Prévost) qui englobe celle de Jean de Florette et de Manon des Sources, sur laquelle je me fonde, demeure terriblement humaine. Au cœur de cette double tragédie, siègent de façon triomphale, le désir, la possession, la dissimulation, le cynisme, le mépris, le leurre, le projet, le deuil, la perte irréversible, une bataille acharnée entre la liberté et la fatalité et surtout le renversement.

Renversement poignant qui révèle une vérité, celle des liens déchirants qu'entretiennent les humains et qui les font passer parfois ou souvent, à côté de ce qui aurait pu être beau, bien et bon.

 

    

Aimée, chanteuse d'Opéra, et Jean de Florette, ont choisi d'appeler leur fille "Manon" en lien avec le monde de l'Opéra.

Le prénom Manon a pour étymologie le prénom Marie, et se fête d'ailleurs le 15 août. "Manon" est également considéré comme le diminutif de Marianne, ce dernier étant la contraction du prénom "Marie-Anne". Peu porté jusqu'à la Révolution française, resté relativement rare depuis, ce prénom connaît une ascension remarquable en 1986, en même temps qu'Emmanuelle Béart triomphe dans Manon des Sources, le film de Claude Berri, adapté du roman de Marcel Pagnol.

 

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                      L'Opéra Garnier, 23 août 2019.

L'Eau des collines, roman de Marcel Pagnol composé en deux parties, Jean de Florette et Manon des sources, publié en 1963, sera formidablement adapté au cinéma en 1986, par Claude Berri.

 

En 1986, le réalisateur Claude Berri sort le film, Jean de Florette puis sa suite Manon des sources, véritable chef d’œuvre du cinéma récompensé de multiples fois.

C'est cette même année que l'on m'a offert le beau livre de Marcel Pagnol L'Eau des collines. Jean de Florette suivi de Manon des sources (Ed. Julliard), alors que j'étais une toute jeune adolescente.

 

Le livre ainsi que les deux films en question me plaisent à ravir et me parlent au plus haut point. Il existe autant d'intelligence, de finesse et d'adresse dans le récit que dans l'analyse des sentiments et des comportements humains au sein de ces chefs d’œuvre romanesque et cinématographique.

 

Emmanuelle Béart qui joue Manon en est l'actrice principale, le personnage au départ discret, en retrait mais sur lequel toute la trame de l'histoire repose. Elle va petit à petit devenir le centre du monde. Manon est celle qui après avoir longuement observé ce qui l'entourait et évolué en fonction du drame familial qu'elle a vécu, va être à son tour observée, devenir objet d'attention et d'interrogation, voire désirée comme jamais, par celui (Daniel Auteuil/Ugolin) qui quelques années auparavant l'avait à peine remarquée. Cependant un autre homme, un instituteur (Hippolyte Girardot) venu d'ailleurs, lui aussi ne manquera pas d'être attiré et intrigué par Manon.

 

   

Destin entravé, destin empêché… Destin transformé, destin transfiguré…

 

A travers cette aventure composée de personnages qui jouent un rôle remarquable et saisissant dans l'ouvrage et dans chaque film, la trame de cette histoire met en exergue de façon émouvante et vibrante l'espoir, le courage, la force, la ténacité, le temps (le climat comme celui qui s'écoule à l'instar d'une source..), la tromperie, la moquerie, le drame, l'attente, le désir, la tragédie, le renversement d'une situation ou de ce qui pouvait sembler irréversible, et surtout le vent qui tourne.

Un vent fulgurant et vivifiant qui tourne tellement au point de tourbillonner en soulevant et dévoilant les raisons qui poussent tous les protagonistes à agir et à réfléchir selon leur destinée et leurs intérêts. Comme une sorte de leçon de vie où la sensibilité, la fatalité et la liberté se côtoient de façon implacable.

 

 

    

Heureux hasard ou alors clin d’œil du destin cette vidéo avec le très grand danseur classique, Rudolf Noureev ( 1938-1993), considéré comme "le seigneur de la danse" à l'Opéra de Paris, et la musique "Halleluya/Alléluia"!

 

 

 

 

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               A l'intérieur de l'Opéra Garnier, 23 août 2019.

 

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                   L'Opéra Garnier, escaliers, 23 août 2019.

 

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                       L'Opéra Garnier, 23 août 2019.

 

    

 

                                                                      

 

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Plafond de l'Opéra Garnier orné de la peinture de Chagall, 23 août 2019.

 

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                     Salle de l'Opéra Garnier, 23 août 2019.                 

 

 

 

 

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                          Le Destin

 

 

"Il n'est pas besoin d'espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer."

La Gloire de mon père, Marcel Pagnol

                                                                                                                      

                                            

 

 

"Nous savons maintenant que ce système nerveux vierge de l'enfant, abandonné en dehors de tout contact humain, ne deviendra jamais un système nerveux humain. Il ne lui suffit pas d'en posséder la structure initiale, il faut encore que celle-ci soit façonnée par le contact avec les autres, et que ceux-ci, grâce à la mémoire que nous en gardons, pénètrent en nous et que leur humanité forme la nôtre. Humanité accumulée au cours des âges et actualisée en nous.

Mais les autres, ce sont aussi ceux qui occupent le même espace, qui désirent les mêmes objets ou les mêmes êtres gratifiants, et dont le projet fondamental, survivre, va s'opposer au nôtre. Nous savons maintenant que ce fait se trouve à l'origine des hiérarchies de dominance."

Éloge de la fuite, Henri Laborit

  

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La Fuite - Devenir sauvage :

Se mettre en retrait du monde, s'éloigner de ce qui est dangereux, douloureux, nuisible, refuser de s'adapter à ce qui n'a pas de sens ou à ce qui relève de la souffrance, méfiance envers ce qui n'inspire pas confiance. 

 

Sauvage comme un beau cheval, comme un loup des neiges ou comme Manon.

                                                                                        

       

 

 

            

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Ugolin : Il y a quelque chose qui me tracasse.

César Soubeyran : Quoi ?

Ugolin : L'eau.

César Soubeyran : Quelle eau ?

Ugolin : Un pied d’œillet, ça boit comme un homme. Pour arroser mes 50 plantes, il a fallu m'arracher la peau des mains sur la corde du puits.

César Soubeyran :Tu n'as qu'à mettre une citerne avec une pompe.

Ugolin : Oui mais si on arrose ces 50 plantes, la citerne sera vide au bout de quatre jours.

César Soubeyran : Ah ça c'est un problème.

Ugolin : Ce qu'il faudrait, c'est creuser un bassin énorme avec des rigoles qui ramassent toutes les pluies du vallon.

César Soubeyran : Si une année, il ne pleut pas ? Non, ce qu'il faut, c'est trouver un terrain près d'un point d'eau naturelle. Si on achetait le champ et la source de Piqueboufigues là-haut au Romarin ?

Ugolin : Elle a encore de l'eau cette source ? J'en ai entendu parler par mon père mais il me disait qu'elle était morte.

César Soubeyran : Elle est plus qu'à moitié bouchée, c'est sûr...

Ugolin : Tu crois qu'il la vendrait sa ferme ?

César Soubeyran : Sûrement pas la maison, mais peut-être que le champ et la source. Écoute il en fait rien, il n'en fera plus jamais rien, alors si on veut avoir les sous.


 

Marius Piqueboufigues refuse de vendre son bien. Bagarre entre le "papey" et Marius.

César Soubeyran : Ça arrive qu'on se tue en tombant d'un arbre.

César Soubeyran : Tu vois Galinette, il ne faut jamais désespérer de la providence...


 

César Soubeyran : C'est toi qui hérites ?

Un habitant : Ah nous étions cousin mais de loin, non c'est Florette qui hérite.

César Soubeyran : Elle est encore vivante ?

Un habitant : Pourquoi pas, elle est plus jeune que toi....

Ugolin : Mais où elle est ?

César Soubeyran : A Crespin....


 

Florette vient de mourir, c'est donc son fils Jean Cadoret qui hérite.

 

 

 

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Jean Cadoret dit Jean de Florette veut faire quelque chose de positif de son héritage. En aucun cas, il ne souhaite vendre cette terre qu'il chérit de toute son âme et de toutes ses forces. Il veut donner naissance à un projet fabuleux, lumineux qui lui tient à cœur, celui de voir fleurir les merveilles de la nature autour de sa maison.


 

Jean de Florette : Alors qu'en dis-tu ? Regardes ces ronces géantes, ces oliviers, ces romarins arborescents. Que c'est beau !

Aimée : Mon Dieu que c'est beau !

Jean de Florette : Je ne t'avais pas menti. C'est toute l'antique Provence. C'est le paradis de Zola. C'est même plus beau que le paradis de Zola...


 

Jean de Florette : Je bois à la mère nature, aux collines odorantes. Je bois aux cigales, à la brise, aux roches millénaires. Je bois à l'azur.


 

Que de poésie, de lyrisme dans le regard et l'esprit de Jean de Florette.

S'émerveiller de ce qui nous entoure. Découvrir tout ce que l'on a déjà vu comme au premier jour pour conserver une fraîcheur et une saveur de l’existence. S'étonner encore de ce qui paraît nouveau ou beau.

 

 

 

 

César Soubeyran : C'est la meilleure de la région. Elle vaut de l'or cette terre !

Ugolin : Une si belle terre ! Ça me tue, ça me tue !

 

 

La terre de Jean de Florette vaut de l'or et a d'ailleurs donné grande satisfaction à son propriétaire dans un premier temps. Tout avait été parfaitement étudié, analysé et conçu. Cependant, dans un second temps, une sécheresse inattendue, persistante venue du ciel, du climat, de la météo s'est installée et a nécessité une ressource en eau considérable, hors du commun. Une terre prometteuse dotée d'une source, tout naturellement et logiquement, aurait dû être prolifique et donner de magnifiques fruits et légumes mais le destin en a décidé autrement. On ne récolte pas toujours ce que l'on sème dans la vie surtout quand on vous prive d'un bien qui vous revient, dans le dessein de vous nuire en vue de vous faire fuir.

 

 

 

 

 

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Le Destin : "jeu" de hasards et de rebondissements entre Fatalité et Providence

- La production d’œillets rouges en vue de les vendre - promesse de richesse flamboyante et donc symbole de sécurité matérielle et d'un certain confort de vie – nécessite l'appropriation d'une terre cultivable, riche et fertile. Sans une source, trésor ou ressource indispensable pour mener à bien ce dessein et le faire fleurir, la terre en question est menacée de sécheresse et donc d'infertilité. L'eau vaut de l'or et rend possible l'acquisition de pièces de ce même métal.

Encore faut-il pouvoir accéder à cette fameuse terre, la posséder et qu'aucun obstacle ne vienne entraver ce projet.

Les œillets rouges sont également le symbole de l'amour et de la passion comme les roses rouges d'ailleurs. Hasard, clin d’œil ou signe du Destin ? Nul/le ne le sait !

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- Hériter d'une terre et d'une maison de ces ancêtres dans un lieu champêtre, ensoleillé, agréable à vivre, permet parfois de mettre en œuvre un rêve, celui d'être libre de produire son potager, d'assumer une certaine autonomie afin de ne plus dépendre de quiconque de détestable, de menaçant ou qui pourrait nuire par son pouvoir de décision, et de vivre dans un environnement heureux doté d'un air pur, d'un paysage naturel verdoyant et abondant.

Encore faut-il que le temps demeure clément, reste au beau fixe, ne tourne pas à l'orage, et que d'autres n'aient pas de vue sur ce bien précieux. Désirer la même chose, le même lieu, la même terre fertile peut rapidement devenir pernicieux et dangereux surtout lorsqu'une partie, mal intentionnée pousse l'autre vers une pente qui s'apparente à une descente aux enfers.

 

- Sauf qu'il ne faut jamais dire : «Fontaine, je ne boirai jamais de ton eau» car comment savoir ce que l'avenir nous réserve ? Le Destin peut autant être bénin que malin. En effet, la passion pour un bien peut se transformer subitement en passion amoureuse pour une personne qui donne un sens à l'existence, un être qui dans un premier temps, ne signifiait rien, pour dans un second temps, signifier tout ou tellement ! Un seul regard suffit parfois à faire trembler ses propres certitudes et à chambouler la tranquillité de son quotidien !

 

 

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Quand le soleil brille éternellement, que la pluie disparaît et que l'eau se raréfie, cette dernière devient précieuse au point de se transformer en obsession. Impossible de ne pas y penser. Sans eau pas de vie. Tout peut alors se flétrir, se faner, dépérir, s'assécher, s'arrêter et mourir.

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Jean de Florette : Cet homme est un brave homme.

Aimée : Il ne me plaît pas beaucoup.

Jean de Florette : C'est parce qu'il est laid.

Aimée : Il fait peur à la petite.

Jean de Florette : Manon, tu m'étonnes, ce gentil paysan ne te plaît pas ?

Manon : Il est vilain, il a l'air d'un crapaud !

Jean de Florette : Manon, ce sont tes sentiments qui sont vilains. Les enveloppes grossières viennent parfois des âmes pures.

 

 

Ugolin, individu "malin" au sens littéral du terme, lorgnant sur le bien d'une famille, n'a jamais plu à Manon. D'emblée, elle s'en est toujours méfiée, n'a jamais été dupe de l'apparente générosité de ce voisin qui s'intéressait d'un peu trop près à tous les projets forgés par Jean de Florette, pour mieux le poignarder dans le dos, le manipuler et convoiter ses richesses. Bassesse, petitesse, double-jeu sordide et morbide dans les rires gras et complices des deux compères pervers qui se croyaient indétrônables, à l'abri de tout, même du pire. Parfois l'habit fait le moine et les enveloppes grossières viennent d'esprits pourris, pervertis par la vie.

 

La confiance aveugle de Jean de Florette envers Ugolin, "ce gentil paysan" a permis au loup d'entrer dans la bergerie.

 

 

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L'accident mortel de Jean de Florette était-il prévisible ou inévitable ? La fin justifiait-elle les moyens ? Le risque valait-il la peine d'être encouru ? Que penser de cette fin au bout du chemin ? Quelle que soit la situation triste ou agréable, il faut composer avec ce qui advient.

 

Ce qui arrive à Manon est de l'ordre du traumatisme, une sorte d'effraction et d'effondrement dans sa vie. Comment s'en remettre ? Comment traverser ce deuil, le transcender, s'apaiser puis rebondir pour repartir vers une autre destinée quand on a assisté à une injustice orchestrée de plein fouet par des voisins ?

 

Il faut un certain temps pour se relever, s'élever voire s'envoler de nouveau. Il faut un temps lent pour le ressourcement, le soin, la réflexion, le changement de direction, la régénérescence de la partie de soi qui a été blessée. Un Destin entravé se heurte au mur de l'incompréhension. Il faut alors faire l'effort de déboulonner ce mur pour apporter ces anciennes pierres à un nouvel édifice.

 

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Manon, enfant, observe une scène déterminante, et entend des propos confidentiels qui lui permettent de comprendre les intentions des deux compères, qu'elle n'oubliera jamais ! Son destin en dépend et celui des autres également !

 

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Marc Aurèle (121-180), Empereur romain et philosophe stoïcien : "Au-delà de toi est la source du bien, une source qui peut toujours jaillir, si tu creuses toujours."

 

 

 

 

L'instituteur :

 

 

 

- Ce matin, j'ai fait un grand tour dans les collines et regardez ce que j'ai trouvé : ce sont des lignites...

 

- J'ai vu aussi un troupeau sans berger.

 

 

 


 

Un habitant : Ça serait pas celui de la fille du bossu ?

 

Un habitant : La sauvageonne. Je ne l'ai pas vue depuis la mort de son père. C'est à croire qu'elle se cache.

 

Un habitant : Moi, je l'ai vue, elle est belle !

 

Un habitant : Elle tient de sa mère. La mère était belle aussi.

 

Un habitant : Il était peut-être bossu mais il a fait une belle fille.

 

Un habitant : Et qui c'était ce bossu ?

 

Un habitant : Ah vous ne l'avez pas connu monsieur Beloiseau, vous n'aviez pas encore pris votre retraite. C'était un intellectuel qui voulait faire le paysan.

 

César Soubeyran : C'était un fada !

 

Un habitant : Oh pas si fada que ça !

 

César Soubeyran : Quand je dis fada, je ne veux pas dire imbécile. Je veux dire pas raisonnable. Il a cru qu'il pouvait élever des milliers de lapins en faisant des multiplications sur le papier.

 

 

Un habitant : Pourquoi ? Parce qu'il n'y avait pas d'eau au Romarin ? Tu en as bien trouvée toi ! Ça marche les œillets ?

 

Ugolin : C'est les fêtes qui rapportent, la meilleure c'est la Noël puis le mardi gras et puis Pâques aussi c'est bon.

 

Un habitant : Et les morts, ça rapporte les morts ?

 

Ugolin : C'est pas mal les morts, c'est pas mauvais, ça rapporte bien.

 

 

    

 

Le bonheur des uns fait parfois le malheur des autres, surtout quand les gens heureux ont tout orchestré pour parvenir à certaines fins en vue de se rassasier et de laisser l'autre dans l’expectative, le désarroi, l'épuisement puis le déposséder de son bien.

 

Rien de mal à cela ? Quand on peut en profiter pleinement, doublement aux dépens d'autrui pourquoi s'interdire cette grande jouissance même s'il y a eu mort d'homme ? Après tout, Jean de Florette n'avait qu'à trouver sa source ou abandonner son projet de cultiver son jardin potager et sa terre pour y vivre normalement. Il aurait pu quitter les lieux, partir au loin, s'exiler, renoncer à sa grande et belle idée de projet apparemment irréalisable ! Quelle idée aussi de creuser un puits pour en faire une citerne et de jouer avec de la dynamite ! C'est dangereux en soi la dynamite !

 

Pourquoi espérer ainsi, à ce point ? Pourquoi ne pas se résoudre à désinvestir ce qu'il avait imaginé, planifié, établi puis construit ? Pourquoi ne pas se désengager d'un projet, certes qui lui tenait à cœur, mais que d'autres enviaient tout de même ? Pourquoi s'installer chez lui et ne pas aller ailleurs pour laisser encore plus de place à ceux qui étaient déjà là, avant lui ?

 

Qui est responsable de la pluie et du beau temps ? Qui est responsable de la sécheresse et des inondations venues du ciel ? Oh ciel, c'est la providence. Un point c'est tout. Les biens pour certains et rien pour d'autres. Tel est le destin. Tellement rien, qu'Aimée et Manon ont été obligées de quitter la terre qui appartenait à Jean de Florette, qui lui, a été conduit dans un beau cercueil, au fond d'un caveau dans le cimetière du village. Paix à son âme ! Oh moins, il ne s'épuisera plus. Fini la persévérance pour rien ! C'est ainsi que César Soubeyran et Ugolin sont arrivés à leur fin et ont grandement compati à la terrible souffrance de Manon et Aimée.

 

 

Joie immense et belle richesse pour les deux compères. La belle vie agréable avec des œillets devenus très rentables, ce qui ravirait n'importe qui. On le comprend aisément, c'est tellement humain. Un peu moins humain, somme toute, pour Manon qui n'a cas se faire une raison ! Ben voyons. Tellement simple à prononcer ce " il y a cas" ou ce "il faut que" quand cela concerne autrui !

 

                                             

 

                     La Force du Destin...

 

Ce n'est pas par inadvertance ou par hasard, que la musique du film La Force du Destin de Verdi a été choisie car la thématique du renversement de ce fameux destin triomphe au cœur du roman de Pagnol et du film de Berri.

 

La force du Destin. On peut lire et entendre le sens de ce titre (Opéra de Verdi) ou de cette phrase de deux manières qui ne s'opposent pas forcément. L'une, comme le destin forcé, imposé, subi et l'autre, comme le destin renforcé, qui virevolte, qui grandit, qui sourit à la vie, comme si le sort se retournait contre des forces adverses, se vengeait contre ce qui a provoqué un abîme et l'emportait sur ce qui faisait obstacle. Sorte de passage de l'impuissance d'un destin à sa puissance.

 

Le destin soulève la question de la maîtrise de nos initiatives, de nos intentions et de celles des autres, ainsi que ce qui nous échappe en général et en particulier, car bien qu'animé-es d'une conscience et capables d'entendement, nous ne sommes ni démiurges, ni omniscient-es et encore moins invulnérables.

 

La chance peut apparaître puis disparaître. Notre désir peut s'amoindrir ou s'épanouir. La roue tourne dans un sens qui peut nous être favorable ou non et peut faire ainsi vaciller un destin ou plusieurs d'ailleurs.

 

                                                                        

   

 

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             Laisser le destin l'emporter...

 

 

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Le sentiment amoureux va éclore, exploser en l'air comme une lave rouge, incandescente et étincelante d'un volcan qui aurait dormi durant des décennies. C'est précisément ce sentiment puissant sorti de la nuit des temps, qui peut et va faire chavirer le navire qui voguait dans une certaine direction, celle qui allait dans le sens des deux compères qui se sont enrichis grâce aux oeillets rouges - rouge comme l'amour, la colère, la rage, la révolte - aux dépens de Manon. Oeillets qui n'auraient pas pu voir le jour sans la source située sur la terre de Jean de Florette, de son épouse Aimée et de sa fille Manon

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Un instituteur, éloigné du monde d'Ugolin et de César Soubeyran, venu d'ailleurs, va apparaître dans la vie de Manon. D'emblée, il ne la laisse pas indifférente. Son comportement, sa façon de parler et sa tenue le distinguent grandement des autres villageois. De plus, il ne lui rappelle aucun mauvais souvenir contrairement à Ugolin, manipulateur grotesque, dépourvu de charme et de finesse, qui en plus faisait double jeu avec "le papey" pour mieux faire couler Jean de Florette ou espérer qu'il quitte les lieux avec sa famille.

 

La rencontre bucolique entre une bergère instruite et un instituteur curieux s'annonce prometteuse, positive, voire ensoleillée. Dure réalité à venir pour Ugolin car non seulement son "charme" n'opère pas mais l'arrivée d'un autre, plus intelligent, plus élégant que lui, le rend encore moins intéressant.

 

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 Fuite pour Manon. Fuite en avant pour Ugolin.

 

 

Face au comportement de fuite de Manon, Ugolin ne passe pas de la fascination amoureuse à la fascination haineuse, véritable gouffre et tourbillon aussi mortifère que destructeur. Non, il préfère l'imploration, la supplication, la proposition mais ne se résout pas à oublier Manon, qui devient son obsession. Il n'envisage pas non plus de se tourner vers une autre femme afin de fixer son attention ailleurs que sur cet être chèrement désiré et désirable. Il veut s'unir à elle, vivre avec elle. C'est elle ou rien. Point final. Point fatal. Manon demeure à tout jamais irremplaçable, indépassable et indispensable. Impossible de vivre sans elle, comme si en son absence, la vie perdait tout son sens, sa quintessence et sa saveur.

 

 

Mais pourquoi ? Pourquoi faire de Manon cet astre solaire qui brille d'une lumière incandescente, qui hypnotise, qui envoûte, qui caresse tous les sens, qui enveloppe toute pensée ? Ugolin n'en sait rien. Il est agi par des pulsions, des impulsions et n'offre aucune résistance. A quoi bon d'ailleurs puisque l'attirance est si forte, prégnante qu'elle en devient irrésistible. Il est mû par un désir qui tourne autour du délice. Impossible de s'y soustraire.

 

Il ne parvient pas non plus à mépriser son concurrent, l'instituteur. Il ne le jalouse pas au point de le dénigrer, de le rabaisser, d'entrer en rivalité ou en conflit avec lui, de lui lancer des piques ou de l'imiter en s'appropriant certaines de ses caractéristiques puisque ces dernières plaisent apparemment à Manon. Non, ils sont issus de mondes trop distincts pour entrer dans ce genre de lutte implacable. Les individus procèdent davantage par jalousie imitative quand il existe un lien de proximité ou une situation sociale analogue.

 

La seule chose qu'Ugolin parvient à s'approprier de Manon, c'est son ruban délaissé dans les broussailles, qui entourait sa chevelure blonde. Ce seul ruban le plonge dans un état de joie intense, d'excitation heureuse presque d'euphorie, un peu comme lorsqu'il gagnait beaucoup d'argent avec ses oeillets grâce entre autres, à la Source de Jean de Florette.

  

Grâce à une brebis ou à une chèvre égarée, Manon va découvrir par le biais du hasard le plus hasardeux, la Source de toutes les autres sources, la source centrale, générale qui permet d'alimenter tous les autres cours d'eau.

 

 

Il est plus facile pour elle, endeuillée et fragilisée par un fond de tristesse et de détresse, de boucher cette Source que pour Ugolin, de renoncer à son amour pour Manon. En effet, il devient impossible d'éteindre le feu amoureux qui le dévore, même avec de l'eau de source, de l'eau de citerne ou de camion. Flamme vive inextinguible. C'est pourquoi le dessein d'Ugolin d'obtenir le coeur, la main de Manon, demeure inexorable et inébranlable, comme l'était le projet de Jean de Florette.

 

 

Il n'y a pas que dans les livres et au cinéma que ce scénario peut se dérouler. L'acteur Michael Lonsdale, célèbre pour avoir joué dans les films "Le Nom de la rose" de Jean-Jacques Annaud, "Des hommes et des Dieux" de Xavier Beauvois ou encore "India Song" de Marguerite Duras, avait confié en 2016, dans son livre "Le Dictionnaire de ma vie" :

"J’ai vécu un grand chagrin d’amour et ma vie s’en est trouvée très affectée. La personne que j’ai aimée n'était pas libre… je n’ai jamais pu aimer quelqu’un d’autre. C’était elle ou rien et voilà pourquoi, à 85 ans, je suis toujours célibataire ! Elle s’appelait Delphine Seyrig ".

 

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Manon revient à la «source» dans le double sens du terme, du drame familial qu’a engendré dans sa vie, la mort de son père, Jean de Florette, qui s’est évertué puis épuisé à chercher la source -promesse d’abondance, de fertilité et de vie radieuse. Le vent tourne, la source est détournée et le Destin se retourne contre les acteurs du malheur d’une famille, au départ pleine d’enthousiasme.

 

 

 

Quelle aubaine pour Manon d'avoir été conduite de façon fortuite à cette Source majestueuse. D'où l'idée lumineuse de voir maintenant comment vont se comporter les habitant/es du village, quand à leur tour, elles/ils vont manquer d'eau, éprouver l'angoisse tenace et farouche d'être privé/es d'un bien naturel essentiel qui permet de vivre relativement normalement. Comment vont réagir tous ces gens ? Que vont-ils penser, imaginer de cette situation insupportable et qui pourtant doit être surmontée car intenable ? Comment affronter une crise devenue un cas de force majeure ? Comment se confronter à une pénurie d'eau qui menace chacun/e et ne peut être que ravageuse tôt ou tard ? Que devient-on quand on est poussé/e dans ses retranchements ?

 

Que révèle une telle mise à l'épreuve pour chacun/e d'entre nous ?

 

Il est souvent facile voire simpliste d'édicter des conseils aux autres quand on ne se trouve pas soi-même concerné/e au premier plan ou dans une situation difficile, périlleuse ou tout simplement quand on est épargné/e par le sort. Cependant quand la chance tourne, s'amenuise, se rétrécit puis disparaît et se transforme en obstacle, en impuissance, que faire ?

 

Au tour de Manon d'analyser, d'observer la réaction des autres quand ceux-ci se confrontent au même manque d'eau, qu'elle et ses parents ont subi, une décennie auparavant.

 

 

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Source : Lieu où l'eau sort de la terre/ Ce qui est à l'origine de quelque chose.

 

Remonter aux sources : retrouver l'origine, revenir au commencement

 

      

 

César Soubeyran : Au nom du père, du fils et du Saint Esprit, je te baptise le roi des œillets. Galinette, des œillets ! (rires). 15 000 francs par an, c'est la fortune qui gît, regarde ! (rires)

 

Joie immense, la Fortune sourit, brille de toutes ses forces, peu importe l'infortune des autres.

 

César Soubeyran : Allez zou, vous autres, vous êtes des Batides comme moi, dîtes-le qu'il n'y a jamais eu de source. (Silence). Mais faîtes bien attention, si vous saviez qu'il y en avait une et que vous ne l'avez pas dit au bossu, alors c'est vous qui êtes responsables de sa mort.

 

Qui est responsable de quoi, de qui dans la vie ?

 

Ugolin : Non, ne cours pas. Manon, je t'ai menti, c'est parce que je t'aime Manon, je t'aime, je t'aime d'amour, et je te donnerai Tout parce que je t'aime !

 

Imploration quasiment divine ! L'amour surgit au milieu d'une vie ou de nulle part, impossible de s'en défaire. L'attente est omniprésente. L'espoir et le désespoir se bousculent, se télescopent. L'attraction aimante à l'instar de la gravitation terrestre. Impossible de s'y dérober ou de s'en dessaisir. Les lois de la physique et de l'amour ont leur raison, que la raison ne peut raisonnablement ignorer.

 

César Soubeyran : Le Destin ça n'existe pas. Ce sont ceux qui sont bons à rien qui parlent du Destin !

 

Quand on est prêt à tout, on peut s'enorgueillir de tout et effacer le destin de son chemin sans penser à demain.

 

Ugolin : La source, la source, elle s'est arrêtée.

 

Mais voilà que le vent tourne et que le destin frappe certains esprits chagrins.

 

César Soubeyran : Qu'est-ce que tu racontes !

 

Passé l'étonnement, il faut se rendre à l'évidence même si celle-ci est désagréable.

 

Ugolin : Elle ne coule plus !

 

César Soubeyran : Plus du tout ?

 

En effet, elle ne coule plus, plus rien. Le néant.

 

Ugolin : Plus une goutte ! Et celle-là aussi papey, on est foutus.

 

Craintes, angoisses, stupeur et tremblements ! Il y a de quoi !

 

César Soubeyran : Calme toi !

 

En toute sérénité, il faut reprendre ses esprits.

 

Un habitant : Ça doit être un crapaud qui bouche le tuyau ou une couleuvre.

 

Il faut chercher à comprendre ce qui se passe, revenir à la source des choses, cerner le problème, l'incident pour résoudre une situation insupportable.

 

      

 

Un habitant : Ce n'est pas possible, elle ne s'est pas arrêtée depuis 50 ans.

 

L'étonnement vire à l'hébétude.

Comment entendre l'inaudible ? Comment comprendre l'incompréhensible ?

 

Manon regarde intensément la scène... César Soubeyran observe secrètement Manon et ressent quelque chose qui le laisse tout chose.

 

César Soubeyran : Tu sais à qui elle ressemble ?

 

Il est bien temps de regarder Manon avec un peu de compassion et d'intérêt puis de se souvenir. La curiosité permet-elle de voir un peu plus clair ?

 

Ugolin : A personne !

 

Être unique en son genre malgré les ressemblances.

 

César Soubeyran : Mais si, c'est tout le portrait de sa grand-mère, Florette Cambret, la jolie...

 

Beaux souvenirs.

 

Ugolin : Tu le sais toi, tu le sais, je te l'ai dit dans la colline, je t'aime d'une façon que ce n'est pas possible de le dire, tout le temps je te vois, tout le temps je te parle, quand je mange ça n'a pas de goût, le sommeil ça me l'a tué, alors si tu ne me veux pas, ou je meurs ou je deviens fou.

 

Obsession amoureuse qui fait chavirer l'esprit, le corps, le cœur, tous les sens et donc le quotidien.

La mort ou la folie tellement la souffrance est à son comble.

 

César Soubeyran : Tais toi imbécile ! Tais toi ! Allez viens.

 

Faut-il montrer son désarroi, son impuissance ?

 

César Soubeyran : J'avais qu'à lui dire la source et maintenant il jouerait encore de l'harmonica. Personne ne le sait mais quand même j'ai honte devant tout le monde, même les arbres !

 

Le remords, la honte, la culpabilité peuvent envahir l'esprit d'un individu à tout jamais ainsi que le sentiment grandissant d'être passé à côté d'un être cher, son fils, et de sa petite fille. Sensation encore plus déroutante, troublante d'être plongé dans l'impuissance, de ne pas pouvoir "racheter" ce qui a été lésé dans le passé. D'où l'envie de mourir et d'offrir, de léguer tout son bien à Manon et de lui livrer quelques explications, c'est le seul sens solennelle, digne que César Soubeyran a trouvé vu qu'il est écrasé, accablé par le sort. Le Destin, tout le monde peut en parler.

 

 

 

 

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Certaines révélations influent sur le cours du Destin et sur ce qui s'y rapporte, à savoir la compréhension des choses plus avancée, le saisissement de ce qui paraît ou paraissait mystérieux, douloureux, puis l'ambivalence entre responsabilité et regret, prise de décision, agissement et étonnement.

 

 

Faire face au Destin, c'est prendre en considération une succession ou une addition de regards qui évoluent en fonction de l'apport de certains éléments qui éclairent notre esprit, et au fur et à mesure que les événements qui se déroulent tracent une voie, un chemin et parfois une fin. La fin d'un cycle, d'une aventure, d'un lien, d'un épisode, d'une situation, ou d'une vie tout simplement.

 

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Manon est devenue la raison de vivre d'Ugolin, une sorte d'étincelle, de lumière qui pourrait l'éloigner d'une vie morne, taciturne comme si Manon avait éveillé un sentiment important ou allumé une flamme éteinte depuis longtemps. Comme si Manon détenait également le pouvoir magique de nourrir, embellir et remplir l'existence d'Ugolin. Manon serait une flamboyance et une espérance qui viendrait combler un manque, une faille, une blessure. L'amour n'est pas qu'imaginaire, il existe réellement pour Ugolin qui le vit, le ressent intensément, seulement cet amour n'est pas partagé par celle qu'il aime. Aucune réciprocité alors s'abat la fatalité.

 

Le désir inassouvi, sans plaisir peut exténuer et engendrer une détresse dévastatrice comme une soif jamais comblée ou une sensation de vide abyssal en soi. Ugolin est littéralement tombé amoureux mais ne parvient pas à se relever. Impossible de mettre un couvercle sur toutes ses frustrations qui le rongent. L'absence de satiété ouvre ou élargit une béance qui vient mettre en cause ce qui paraissait acquis ou immuable. Son noir désespoir absorbe tout comme un trou noir sans rien restituer. Il s'agit d'une descente aux enfers. Le désir obsessionnel devient mortel. Plus rien ne compte, pas même les œillets.

 

Sans la présence de Manon, le sens de l'existence perd de son importance, l'espoir chavire et quitte le navire, seule reste la déception pure et dure. Cependant Ugolin ne détourne pas son regard de Manon. Aucune autre femme ne ferait son bonheur ou sa joie. Il refuse tout compromis qui serait trop lourd à porter. S'intéresser à la première venue en vue d'obtenir un mariage de façade ou une union qui n'aurait que le nom le plongerait dans la résignation perçue comme un lent suicide.

 

Au tour d'Ugolin de vouloir de "l'authentique", de "l'amour authentique", d'éprouver authentiquement son sentiment amoureux qui le perturbe profondément, qui agite tous ses sens, qui les dérègle même et dont il ne peut se défaire. Ce marquage de l'amour indélébile vient rappeler également celui du "papey" qui avait follement aimé l'inoubliable Florette Cambret, sans jamais pouvoir vivre avec elle. Lui aussi est passé à côté de la femme de sa vie, de son fils et de Manon. L'histoire familiale se répète dans le drame.

 

 

Ugolin voyant que pour tous les œillets du monde, Manon refuse sa proposition, et face également à un sentiment de culpabilité puissant, ne trouve aucune autre issue que celle de se punir radicalement, d'autant que sa souffrance l'envahit et le terrifie.

 

 

D'où l'envie de disparaître à jamais puisque rien de bon ou de beau se profile à l'horizon, à ses yeux.

 

La tragédie prend racine dans l'irrésolution.

 

Face à cette disparition qui ferme toute ouverture sur le futur, puis face à une terrible révélation, César Soubeyran renonce à survivre à tant de malheur. Il s'agit d'un face à face qui glace et où le froid s'éternise et enlise toute envie de continuer son chemin.

 

 

Une belle lettre adressée à Manon devient son seul et dernier espoir. Une action dorénavant bienveillante qui affecte de nouveau le sort, le destin de Manon mais cette fois, de façon positive, sans pour autant pouvoir ressusciter Jean de Florette.

 

 

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"Chère petite Manon,

Le notaire des Ombrées te dira que je te laisse tout mon bien...

C'est le trésor des Soubeyran, qui a commencé à la Révolution, pour rester dans la famille...

Parce que ton père, c'était mon fils, mon Soubeyran, qui m'a tant manqué toute ma vie, et que j'ai laissé mourir à petit feu, parce que je ne savais pas que c'était lui. J'avais qu'à lui dire la source, et maintenant il jouerait encore de l'harmonica, et vous seriez tous venus habiter dans notre maison de famille..

Personne ne le sait, mais quand même j'ai honte devant tout le monde, même les arbres. Au village, il y a quelqu'un qui sait tout, et si tu lui dis ma lettre, elle t'expliquera : c'est Delphine... Elle te dira que tout ça, c'est la faute de l'Afrique. Demande lui... j'ai jamais osé te parler mais peut-être que maintenant, tu peux me pardonner, et des fois faire une petite prière pour le pauvre Ugolin et le pauvre de moi. Même à moi je me fais pitié.

Pense un peu par la malice jamais j'ai voulu m'approcher de lui. Sa voix je l'ai pas connue, ni sa figure. Jamais de près j'ai vu ses yeux que peut-être c'était ceux de ma mère et j'ai vu que sa bosse et sa peine, tout le mal que je lui ai fait. Alors tu comprends que je me languis de mourir parce qu'à côté de mes idées qui me travaillent même l'enfer est un délice. Et puis la-haut, je vais le voir j'ai pas peur de lui au contraire. Maintenant il sait que c'est un Soubeyran il n'est plus bossu par ma faute, il a compris que c'est tout par bêtise, et moi je suis sûr qu'au lieu qu'il m'attaque, il me défendra.

Adessias, ma pitchounette, ton grand-père César Soubeyran."

                        

 

   

                   La Symphonie du Destin...

On ne se trouve jamais seule face au Destin. Le scénario qui se déploie à travers une histoire, un cheminement évolue au gré des pensées, des actions et des décisions d'autrui aussi. On joue - que le jeu soit drôle ou non - forcément à plusieurs. Et ce qui se dégage de tout cela s'apparente à un orchestre qui fait naître des sons plus ou moins symphoniques ou cacophoniques selon les situations et les perceptions de chacun/e.                            

 

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"Manon passait des heures sur la dalle de roche. Tout en surveillant ses chèvres, que Bicou ne laissait jamais divaguer trop loin, elle mangeait son pain et son fromage, peignait longuement ses cheveux, et lisait n'importe quoi : Robinson Crusoé, les Maximes de La Rochefoucauld, Les Aventures d'un Gamin de Paris, la Grammaire de Brunot, l'Iliade, ou les journaux illustrés de son enfance...

 

Elle n'était jamais retournée aux Romarins, mais sa pensée y revenait sans cesse : alors, elle prenait l'harmonica - le plus gros - et elle jouait les airs qu'il lui avait enseignés..."

 

Marcel Pagnol, Manon des Sources, Julliard, 1986.

 

 

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Petite, j'aimais contempler les lapins, même si ceux-ci n'étaient pas à Jean de Florette...

 

       

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                         Août 1975, en Croatie

 

Je me trouve en Croatie durant l'été 1975 et je souhaite voir la source  relativement inaccessible qui se situe dans des contrées sauvages où seul un âne peut passer, et qui nous apporte de l'eau fraîche tant désirée et indispensable. Je monte sur un brave âne très courageux qui porte le bac qui recueille l'eau, en étant ravie. Je suis en compagnie de ma grand-mère paternelle qui connaît bien le chemin, et de ma mère qui veut nous photographier en fonction de la lumière du soleil. Mais voilà que l'âne fait sa tête de mule et refuse de se retourner. Impossible de le diriger. Nous essayons à plusieurs reprises de l'orienter dans l'autre sens mais en vain. Alors comme les faits sont têtus et que l'âne ne veut en faire qu'à sa tête, eh bien c'est moi, que l'on retourne pour que la photo soit prise en fonction de la luminosité. Une fois la photo prise, on me remet sur le dos de l'âne dans le sens de la marche et nous voilà parti/es en expédition sur un chemin rocailleux en quête d'eau. Toute une aventure quand on est habitué/e au luxe des robinets dans la cuisine et la salle de bains !          

 

 

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                                Août 2017

 

         Le Destin, toujours ce fameux Destin

Rudolf Noureev, dans son livre Confessions inédites. Autobiographie, a écrit ceci :

"Je suis aussi capable d'oublier mon anniversaire - le 17 mars ; mais jamais, jamais, je n'oublierai le jour où je me suis retrouvé seul dans ce train qui reliait Moscou à Leningrad. C'était le 17 août. Superstitieux comme je suis, je ne peux m'empêcher de penser que la récurrence du chiffre 17 dans ma vie doit avoir du sens."

Peut-être que pour moi aussi, ce nombre "17" a un sens qui a toute son importance car je suis née un 17 décembre, devinez comme qui ?  comme Ludwig van Beethoven (17 décembre 1770), et le "17" comme Noureev. Le "17" nous relie Rudi, Ludwig et moi...

Le 17 décembre 2020, le jour de mon anniversaire et de celui des 250 ans de Beethoven.

 

   

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Lors d'un cours de piano, un soir, au Conservatoire municipal, mon professeur de piano Monsieur Mascort me propose d'aller jouer aux "Tournois du Royaume de la Musique" dans Paris près des Invalides, dans une grande salle, devant un Jury et un public averti. D'abord apeurée ( j'ai 10 ans 1/2) et ignorant totalement de quoi il s'agissait, il me rassure immédiatement en me disant qu'il vient de proposer la même chose à Virginie, une amie, elle aussi pianiste, rencontrée au cours de solfège. Il me précise que cet événement aura lieu dans deux mois seulement et qu'il faut se décider rapidement.

Virginie, enthousiaste, vient me rejoindre tandis que je reste très intimidée, et nous décidons tous les trois que je jouerai une première fois, seule, la "Lettre à Elise" de Beethoven que je viens d'apprendre, et qu'une seconde fois, avec Virginie, nous interpréterons ensemble un "quatre mains", un "Rondo" sur un air polonais. C'est pourquoi nous décidons pour déchiffrer, travailler ce "quatre mains" de nous retrouver chez moi puis chez elle. Lors d'une répétition, Virginie m'apprend que Beethoven est célèbre aussi pour avoir créé le morceau musical qui commence par "sol-sol- sol -mi b, fa-fa-fa-ré", notes qu'elle joue sur son piano noir brillant.

De cet air au rythme retentissant, frémissant et très connu, Beethoven a décidé qu'il renverrait au Destin, d'où le titre "La symphonie du Destin". D'où mon choix de cette cinquième symphonie pour évoquer l'allégorie "Le Destin, la Source & Manon".

Mais qu'elle ne fut pas ma surprise en recherchant les diplômes obtenus au Royaume de la Musique, de voir la mention "Radio France" figurée en haut de la page à gauche. Quand le Destin nous tient, il ne lache rien...

 

   

                  

 

Dans l'extrait de l'ouvrage intitulé Beethoven. La force de l'absolu, de Philippe A. Autexier (Découvertes Gallimard), voici ce qui est écrit au sujet de cette fameuse symphonie du Destin : "Le cœur, angoissé par le sentiment de l'immense, comme menacé d'étouffer, semble chercher, en des sons déchirants, à se donner de l'air ; mais bientôt surgit une image souriante, qui jette sa clarté dans ces effrayantes ténèbres".

 

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Ce n'est pas "Jeunes Filles au Piano" d'Auguste Renoir, encore que... Je suis en train d'interpréter la "Lettre à Elise" de Ludwig van Beethoven, entourée sur ma droite et sur ma gauche, de deux amies d'enfance durant mes vacances d'été en juillet, en Lorraine. Je joue sur le piano de Monsieur et Madame Bastien qui étaient  des voisin/es de mes grands-parents maternels.

 

            

 

    

                                                              

Le Destin concerne autant le devenir humain, le déroulement de sa propre vie, le désir - sa réalisation ou son empêchement - que le fait de choisir une voie plutôt qu'une autre.

Il touche également à ce qui est de l'ordre de l'imprévu, de l'inattendu qu'il s'agisse du sentiment amoureux, de l'étonnement ou du sentiment de déception. Une tension règne sempiternellement entre la liberté, les contraintes, ce qui est souhaité, ce qui est ou devient possible et le sens ou le non-sens que l'on donne à tout ce qui nous arrive. 

On ne sait jamais vraiment ce que nous réserve le Destin.

Ce destin si mystérieux et hasardeux peut subitement sourire et devenir chantant voire enchanteur le temps d'une soirée, d'un regard, d'un moment ou d'un événement...

La peine peut se muer en veine comme le plomb en or, et l'or en trésor

 

Fabuleux ou pas, le Destin constitue une sorte de force impersonnelle ou apparaît comme telle, et pose la question centrale de savoir qui gouverne et détermine le cours des événements.

Peut-on vraiment prendre son Destin en main ? Que désigne au juste cette expression ?
S'agit-il de suivre son Destin comme on suivrait son chemin, sa voie et sa voix ? Ou une flèche qui nous aiguillerait ? 
 ---> Quand les destins se croisent, mieux vaut saisir sa chance, plutôt que de fuir le bonheur de peur qu'il se sauve...

Le Destin, la Source & Manon, Marie-Anne Juricic

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Le pont que je préfère est le Tower Bridge qui se trouve à Londres, mais à Paris, j'ai une prédilection pour le pont des Arts, en raison de la vue qu'il offre et de son passage piétonnier.

Regardez attentivement les deux images ci-dessus et ci-dessous, en haut et à droite de chacune d'entre elles, on peut voir la Lune !

 

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Après l'Opéra Garnier, le soir sur le Ponts des Arts avec l'un des cygnes du "Lac des Cygnes" de Tchaïkovsky, le 23 août 2019.

 

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La notion de "Destin" demeure au coeur de l'histoire du "Lac des Cygnes" et de la vie de Rudolf Noureev.

                          

                                                

"Dans la vie, il faut pafois prendre une décision en un éclair, sans avoir eu le temps d'y penser, sans avoir eu le temps de peser le pour et le contre. J'ai souvent connu cela en dansant, lorsque sur scène quelque chose se passe mal. C'est aussi ce qui m'est arrivé par un chaud matin de juin 1961, dans la banlieue de Paris, à l'aéroport du Bourget, alors que l'ombre du gros Tupolev qui devait me ramener à Moscou s'étendait sur moi.

Cette aile immense me menaçait, telle la main du magicien diabolique du Lac des Cygnes. Devais-je me soumettre et essayer d'en tirer le meilleur parti possible ? Ou, comme l'héroïne du ballet, devais-je défier l'ordre pour accomplir une dangereuse - voire fatale - tentative d'évasion ?" ... 

 

Mais qu'allais-je trouver de l'autre côté de la barrière, ici en Europe ? Je me trouvais seul, mais pas de la façon que j'affectionnais : ce serait la solitude totale. Cette nouvelle liberté me semblait bien sombre. Je savais pourtant que c'était là le seul choix possible, parce qu'il m'offrait l'espoir de construire quelque chose qui me corresponde, l'espoir d'apprendre, d'observer par moi-même, de grandir... 

En si peu de temps, mon destin avait basculé et je n'étais plus le même homme. J'avais gagné la liberté,... 

J'ai 24 ans, et je ne veux pas que l'on me dise où se situe mon avenir, ni quelle piste je dois développer. Je vais trouver cela par moi-même. Voilà ce que j'entends par le mot : Liberté."

 

Rudolph Noureev, Confessions inédites - Autobiographie (Arthaud Poche)                                                                                               

    

 

    

 

" J'ai été élevé dans un monde d'apocalypse. Mon enfance a été ponctuée par la faim, la peur de la mort... Tout ce que je savais, c'est qu'à travers la musique je pouvais m'évader de cette chambre, m'éloigner de ses dix occupants, échapper à ma propre solitude. La musique, je l'ai considérée dès mon plus jeune âge comme une amie, une religion, un moyen d'atteindre le bonheur. Je ne me rendais absolument pas compte, alors, que de telles émotions allaient donner naissance à la grande passion qui a empli ma vie : la danse...

 

Le moment approchait où j'allais enfin découvrir ma véritable et unique passion, celle qui allait envahir mon cœur, mon corps et ma vie entière. Un jour à l'école, on m'avait montré comment danser sur des airs de musique folklorique bachkire. Je ne réalisais pas tout de suite le plaisir intense que cela allait me procurer. Cette première année d'apprentissage des chants bachkirs ébranla mes sens et me remplit de joie. De retour chez moi, je chantai et dansai tout l'après-midi jusqu'à l'heure du coucher....

Souvent, les amis qui passaient lui [à ma mère] disaient : "Rudi a un talent naturel pour la danse... c'est un don... tu devrais l'envoyer à l'école du Ballet de Leningrad."... Maman hochait la tête, souriait et ne répondait rien. Leningrad, vraiment ! Pourquoi pas la lune ?... J'étais encore un petit enfant mais tout ce à quoi je pensais, c'était Leningrad,.. J'avais acquis la certitude que mon destin était tout tracé : je serais un danseur entièrement dévoué à mon art...

Mais comment quitter cette misérable existence à Oufa, comment quitter l'école ? Tant de questions restaient pour moi sans réponse... Je savais comment je voulais vivre, mais je ne savais pas comment faire. C'est à cette époque que je commençai à rêver... Pour échapper à la réalité, j'imaginais - et me persuadais moi-même - qu'un jour, quelqu'un viendrait d'ailleurs, me prendrait par la main et me montrerait la bonne voie.. la voie pour devenir un danseur exceptionnel... Mais le rêve restait un rêve...

tout le monde n'aimait pas le piano, mais moi je l'adorais et l'adore toujours... Mon besoin de musique est tel que même sans avoir pris de leçon, je peux m'asseoir des heures au piano et jouer quelques airs simples de mes compositeurs préférés ; je ne m'en lasse jamais... En dehors des cours de danse, mon plus grand bonheur, cette première année-là, me vint de la musique... toute la musique que j'avais entendue jusqu'ici provenait de notre vieille radio d'Oufa. C'était essentiellement Tchaïkovski, ou parfois une symphonie de Beethoven jouée à l'occasion du décès d'une personnalité russe."

 

Rudolf Noureev, Confessions inédites. Autobiographie (Arthaud Poche)

                                            

 

 

 

 

 

     

                                 Le Destin

 

 

Le destin se pense comme un chemin parcouru, à construire et toujours en devenir. C'est en s'arrêtant ou en se retournant que l'on mesure la distance effectuée dans sa destinée.

     

 

 

"Aujourd'hui, je souris à la pensée qu'en trois ans seulement avant mon premier spectacle sur la plus belle scène du monde, je dansais sur un camion aménagé. Le public était assis sur des bancs rugueux, et tout autour de notre théâtre ambulant improvisé, des petites lampes à pétrole, bleues et enfumées, se balançaient dans la nuit."

Rudolf Noureev, Confessions inédites. Autobiographie (Arthaud Poche)


 

Le Destin fait parfois la pluie et le beau temps. Après une traversée du désert, il se transforme soudain en événement ou en moment heureux, béni des Dieux. Il sourit à la vie et comme Rudi, le Destin danse sur ce qui fleurit ou se flétrit, sur ce qui progresse ou régresse. Il navigue sans cesse entre faiblesse et hardiesse, joie et tristesse, et entre difficulté et volupté. Tel un beau cygne qui s'élance et s'avance sur son lac après avoir été un vilain petit canard banni ou incompris.